Читаем Ensemble, c’est tout полностью

— Jeannine et Jean-Pierre, y z'avaient un fils... Frédéric... Un mec super... C'était mon pote... Le seul que j'aie jamais eu d'ailleurs... On a fait l'école hôtelière ensemble et s'il avait pas été là, je serais pas là, moi non plus... Je sais pas où je serais, mais... Enfin, bref... Il est mort y a dix ans... Accident de voiture... Même pas de sa faute... Un connard qui s'est pas arrêté au stop... Alors, voilà, moi, je suis pas Fred bien sûr, mais ça y ressemble... Je viens tous les ans... Le cochon c'est prétexte... Y me regardent et puis qu'est-ce qu'y voient ? Des souvenirs, des paroles et le visage de leur gamin quand il avait même pas vingt ans... La Jeannine, elle est toujours en train de me toucher, de me peloter... Pourquoi elle fait ça, à ton avis ? Parce que je suis la preuve qu'il est encore là... Je suis sûr qu'elle nous a mis ses plus beaux draps et qu'elle est en train de se retenir à la rampe d'escalier, à l'heure qu'il est...

— C'est sa chambre ici ?

— Non. La sienne elle est fermée...

— Pourquoi tu m'as amenée alors ?

— Je te dis, pour que tu dessines et puis...

— Et puis quoi ?

— Je sais pas, j'avais envie...

Il s'ébroua.

— Et pour le pieu, c'est pas un problème... On va mettre le matelas par terre et je dormirai sur le sommier... Ça ira, princesse ?

— Ça ira.

— T'as vu Shrek ? Le dessin animé ?

— Non, pourquoi ?

— Parce que tu me fais penser à la princesse Fiona... En moins bien roulée bien sûr...

— Bien sûr.

— Allez... Tu m'aides ? Y pèsent une tonne ces matelas-là...

— T'as raison, gémit-elle. Y a quoi là-dedans ?

— Des générations de paysans morts de fatigue.

— C'est gai...

— Tu te déshabilles pas ?

— Ben si... Je suis en pyjama, là !

— Tu gardes ton pull et tes chaussettes ?

— Oui.

— J'éteins alors ?

— Ben oui !

— Tu dors ? demanda-t-elle au bout d'un moment.

— Non.

— À quoi tu penses ?

— À rien.

— À ta jeunesse ?

— Peut-être... À rien, donc. C'est bien ce que je dis...

— C'était rien ta jeunesse ?

— Pas grand-chose en tout cas...

— Pourquoi ?

— Putain... Si on commence là-dessus, on y est encore demain matin...

— Franck ?

— Oui.

— Qu'est-ce qu'elle a ta grand-mère ?

— Elle est vieille... Elle est toute seule... Toute sa vie elle a dormi dans un bon gros lit comme celui-ci avec un matelas en— laine et un crucifix au-dessus de la tête et maintenant elle est en train de se laisser mourir dans une espèce de caisson en fer merdique...

— Elle est à l'hôpital ?

— Nan, dans une maison de retraite...

— Camille ?

— Oui?

— T'as les yeux ouverts, là ?

— Oui.

— Tu sens comme/la nuit est bien noire ici ? Comme la lune est belle ? Comme les étoiles brillent ? T'entends la maison ? Les tuyaux, le bois, les armoires, l'horloge, le feu en bas, les oiseaux, les bêtes, le vent... T'entends tout ça ?

— Oui.

— Ben elle, elle les entend plus... Sa chambre donne sur un parking toujours éclairé, elle guette le bruit métallique des chariots, les conversations des aides-soignantes, ses voisins qui râlent et leurs télés qui jacassent toute la nuit. Et... Et elle en crève...

— Mais tes parents ? Y peuvent pas s'en occuper, eux ?

— Oh Camille...

— Quoi ?

— Ne m'emmène pas par là... Dors maintenant.

— J'ai pas sommeil.

— Franck ?

— Quoi encore ?

— Y sont où tes parents ?

— J'en sais rien.

— Comment ça, t'en sais rien ?

— J'en ai pas.

— ...

— Mon père, je l'ai jamais connu... Un inconnu qui s'est vidé les burnes à Tanière d'une bagnole... Et ma mère, euh...

— Quoi ?

— Ben ma mère, elle était pas très contente qu'un connard dont elle arrivait même pu à se souvenir le nom se soit vidé les burnes comme ça... alors euh...

— Quoi ?

— Ben rien...

— Rien quoi ?

— Ben elle en voulait pas...

— Du mec ?

— Nan, du petit garçon.

— C'est ta grand-mère qui t'a élevé ?

— Ma grand-mère et mon grand-père...

— Et lui, il est mort ?

— Oui.

— Tu l'as jamais revue ?

— Camille, je te jure, arrête. Sinon, tu vas te sentir; obligée de me prendre dans tes bras après...

— Si. Vas-y. C'est un risque que je veux bien prendre...

— Menteuse.

— Tu l'as jamais revue ?

— ...

— Excuse-moi. J'arrête.

Elle l'entendit qui se retournait :

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