Cent mètres plus loin, elle était de nouveau frigorifiée, au péage elle était congelée et dans la cour de la ferme, elle fut incapable de récupérer ses bras.
Il l'aida à descendre et la soutint jusqu'à la porte.
— Ah ben, te v'ià, toi... Ben qu'est-ce tu nous amènes là?
— Une fille panée.
— Entrez donc, mais entrez, je vous dis!... Jeannine ! Vlà le Franck avec sa copine...
— Oh la petiote... se lamenta la bonne femme, ben qu'est-ce tu lui as fait ? Oh... C'est pas malheureux ça... Elle est toute bleue, la gamine... Poussez-vous, vous autres... Jean-Pierre ! Mets-y donc une chaise dans la cheminée !
Franck s'agenouilla devant elle :
— Hé, il faut que tu enlèves ton manteau maintenant...
Elle ne réagissait pas.
— Attends, je vais t'aider... Tiens, donne-moi tes pieds...
Il lui ôta ses chaussures et ses trois paires de chaussettes.
— Là... c'est bien... Allez... Le haut maintenant...
Elle était si contractée qu'il eut toutes les peines du monde à sortir ses bras des emmanchures... Voilà... Laisse-toi faire, mon petit glaçon...
— Bon Dieu ! mais donnez-lui queque chose de chaud ! cria-t-on dans l'assemblée...
Elle était le nouveau centre d'attraction.
Ou comment décongeler une Parisienne sans la casser...
— J'ai des rognons tout chauds ! tonna Jeannine.
Vent de panique dans la cheminée. Franck lui sauva la mise :
— Non, non, laissez-moi faire... Y a bien du bouillon qui traîne, par là... demanda-t-il en soulevant tous les couvercles.
— C'est la poule d'hier...
— Parfait. Je m'en occupe... Servez-lui un coup à boire pendant ce temps-là.
Au fur et à mesure qu'elle lapait son bol, ses joues reprirent des couleurs.
— Ça va mieux ?
Elle acquiesça.
— De quoi ?
— Je disais que c'était la deuxième fois que tu me préparais le meilleur bouillon du monde...
— Je t'en ferai d'autres, va... Tu viens t'asseoir à table avec nous ?
— Je peux rester encore un peu dans la cheminée ?
— Mais oui ! gueulèrent les autres, laisse-la donc ! On va la fumer comme les jambons !
Franck se releva à contrecœur...
— Tu peux bouger tes doigts ?
— Euh... oui...
— Y faut que tu dessines, hein ? Moi je veux bien te faire à manger, mais toi, tu dois dessiner... Tu dois jamais t'arrêter de dessiner, compris ?
— Maintenant ?
— Nan, pas maintenant, mais toujours...
Elle ferma les yeux.
— D'accord.
— Bon... j'y vais. Donne-moi ton verre, je vais te resservir...
Et Camille fondit peu à peu. Quand elle vint les rejoindre, ses joues étaient en feu.
Elle assista à leur conversation sans rien y comprendre et regardait leurs trognes admirables en souriant aux anges.
— Allez... Le dernier coup de gnôle et au plume ! Parce que demain, on se lève tôt les enfants ! Y a le Gaston qui sera là à sept heures...
Tout le monde se leva.
— C'est qui le Gaston ?
— C'est le tueur, murmura Franck, tu vas voir le personnage... C'est quelque chose...
— Bon ben, c'est là... ajouta Jeannine, la salle de bains est en face et je vous ai mis des serviettes propres sur la table... Ça ira ?
— Super, répondit Franck, super... Merci...
— Dis pas ça, mon grand, on est drôlement content de te voir, tu le sais bien... Et la Paulette ?
Il piqua du nez.
— Allez, allez... On n'en parle pas, fit-elle en lui serrant le bras, ça s'arrangera, va...
— Vous la reconnaîtriez pas, Jeannine...
— Parlons pas de ça, je te dis... T'es en vacances, là...
Quand elle eut refermé la porte, Camille s'inquiéta :
— Hé ! Mais y a qu'un lit...
— Bien sûr que y a qu'un lit. C'est la campagne ici, pas l'hôtel Ibis !
— Tu leur as dit qu'on était ensemble ? fulmina-t-elle.
— Mais non ! J'ai juste dit que je venais avec une copine, c'est tout !
— Ben voyons...
— Ben voyons quoi ? s'énerva-t-il.
— Une copine, ça veut dire une fille que tu sautes. Où donc avais-je la tête, moi ?
— Putain, t'es vraiment casse-couilles dans ton genre, hein ?
Il s'assit au bord du lit pendant qu'elle sortait ses affaires.
— C'est la première fois...
— Pardon ?
— C'est la première fois que j'amène quelqu'un ici.
— C'est sûr... Tuer le cochon c'est pas ce qu'il y a de plus glamour pour emballer...
— Ça n'a rien à voir avec le cochon. Ça n'a rien à voir avec toi. C'est...
— C'est quoi ?
Franck s'allongea en travers du lit et s'adressa au plafond :