Il semble que toutes les invectives de notre auteur contre les d'etracteurs de l'honneur f'eminin ainsi que les exigences du roi Ren'e de ne pas m'edire des femmes, et d'autant plus les sanctions qu'il pr'evoit dans ce cas, t'emoignent d'une certaine 'evolution dans la conception de l'amour courtois. Evolution dans le sens d'une plus grande libert'e morale pour les femmes dans l'amour hors mariage. Si auparavant la condition
Mais revenons au temps du roi Ren'e, o`u on commence `a observer pour la premi`ere fois cette r'evolution dans le d'eveloppement de l'amour courtois. Et pas seulement dans la litt'erature mais dans la vie `a la cour. Il faut ici 'evoquer une personnalit'e, qui acquiert `a la lumi`ere de ces changements une importance symbolique: il s'agit d'Agn`es Sorel, la c'el`ebre favorite du roi Charles VII. Ce fut la premi`ere ma^itresse d'un roi francais `a ne pas ^etre cach'ee par son royal amant et `a para^itre devant tous en honneur et majest'e. Et ses filles ne tomb`erent pas dans l'obscurit'e comme des filles ill'egitimes, mais furent de brillants partis. Il faut supposer qu'Agn`es Sorel joua son r^ole en pleine conscience de sa dignit'e, utilisant la grande influence qu'elle avait sur le roi.
Et ce n'est pas un hasard qu'elle ait 'et'e 'elev'ee `a la cour du roi Ren'e et ait 'et'e la suivante de son 'epouse Isabelle de Lorraine. C'est gr^ace `a Rene que le roi fit sa connaissance.
On peut donc remarquer qu'`a la cour du roi Ren'e, la femme pouvait ^etre plus qu'ailleurs, dans l'esprit de la nouvelle courtoisie, pr'epar'ee au r^ole de ma^itresse avou'ee et presque officielle. Cet esprit est pr'esent chez notre auteur, quand il manifeste son d'esir ardent de d'efendre le bon renom des dames contre les calomniateurs et les m'edisants.
Certes son texte n'exprime pas nettement cette tendance `a une plus grande libert'e morale des femmes, et il est possible qu'il n'en ait m^eme pas eu conscience quand il d'ecrivait avec enthousiasme ce que tout le monde savait par la rumeur publique et qui correspondait sans aucun doute `a ses propres inclinations. Mais d'une facon ou d'une autre ses mots et ses pens'ees baignaient dans le courant g'en'eral o`u se d'eveloppaient les normes de l'amour courtois.
Au ternie de cette courte analyse des id'ees de l'auteur de la description du Pas de Saumur, il convient de remarquer que c'est dans son oeuvre que les id'ees de la chevalerie courtoise, m^el'ees 'etroitement aux id'ees naturalistes, ont trouv'e leur plus claire expression. Ce sont elles qui lui font souligner sa foi dans le caract`ere naturel et bienfaisant de l'amour. Avec quelle expressivit'e, dans