Les festivités se déroulèrent donc dans ce magnifique château et c'eût été une fantaisie extravagante et inutilement coûteuse de construire tout à côté un château en bois. À la distance d'une demiportée de flèche, on avait suspendu sur une colonne de marbre un écu que gardaient deux lions flanqués de deux «sarrazins». A côté se déployait une tente où se tenait un nain, chargé, à chaque fois que quelqu'un frappait l'écu de la lance pour défier ainsi un des «tenants du pas», de le faire savoir au château, où se présentait un «assaillant» en compagnie de sa dame. Comme dans les autres joutes du Moyen Âge tardif, on utilisait ici une sorte de livret dont les motifs étaient tirés des romans de chevalerie. Le nain aussi bien que le sarrazin en sont des personnages assez habituels. Dans la joute de Saumur, ils composent la «joieuse garde», et l'auteur de notre texte écrit en manière d'explication:
Les assaillants, qu'on appelait les «estrangers», étaient installés non loin de là dans un monastère, où ils s'équipaient pour le combat et recevaient instructions et recommandations de l'ermite qui y vivait.
Cet ermitage faisait sans aucun doute aussi partie de la mise en scène, cela sous l'influence des mêmes romans, où les ermites jouent le rôle de conseillers spirituels et même parfois de médecins des chevaliers errants. Tout cela était lié avec la représentation qu'on se faisait de l'époque des chevaliers de la Table Ronde, à propos de laquelle Thomas Malory, dans son arrangement des romans français du cycle arturien, écrit:
Aux combattants déclarés les plus heureux dans les différents duels par la décision des juges, parmi lesquels se trouvait Antoine de la Salle, célèbre écrivain du XVe
siècle, resté longtemps au service de la maison d'Anjou, on distribua des prix: des brillants aux «tenants», des rubis aux assaillants. Ces prix étaient d'égale valeur. Les rubis aussi bien que les brillants, selon la remarque de G. Bian-ciotto,À la fin de la joute les juges désignèrent les deux meilleurs combattants, un parmi les «défendants», et ce fut le gendre du roi, Ferry de Lorraine, l'autre parmi les assaillants, et cet honneur revint au seigneur de Florigny. Le premier reçut
Mais laissons de côté la joute, qui est décrite en détail dans le manuscrit, et tournons-nous vers l'auteur du texte. Il faut tout de suite dire que son nom, qui n'est pas indiqué dans le manuscrit, ne nous est pas connu, et il y a bien peu de chance que l'on puisse un jour l'établir. Il faudrait un document d'époque où l'origine du texte serait précisée, mais dans les comptes et autres papiers du roi René que nous connaissons, il n'y a rien de tel, ce qui laisse peu d'espoir.