Pour tous deux, conformément à l'ancienne tradition, l'amour devait absolument être lié à la sauvegarde du bon renom de la dame et à sa défense contre les calomniateurs. Notre auteur consacre à cet objet une strophe de son oeuvre et, s'en prenant aux «murtri-ers d'onneurs, renons et famés»
(str.43), il exalte «loyalle dame Renommée», qui «es armes du pas fut présente tous les jours jusques a quarante» (str. 44). Recourant à cette allégorie, il fait comprendre que les participants à la compétition étaient fidèles aux commandements de l'amour et n'étaient pas capables de calomnier les femmes.Le roi René se présente à son tour comme un authentique paladin de l'honneur et du «renom»
des femmes. Dans son Traité sur les tournois, il prévoit même une cérémonie particulière et un tribunal spécial qui permettront de protéger le bon renom de la dame. La veille de la compétition, tous les participants, selon l'idée du roi, rassembleront leurs heaumes avec les timbres dans une galerie du cloître, après quoi«viendront toutes dames et damoiselles, et tous seigneurs, chevaliers et escuiers, en les visitant d'ung bout à autre… et y aura ung hérault ou poursuivant, qui dira aux dames selon l'endroit où elles seront le nom de ceulx à qui sont les timbres, ad ce que s'il y en a nul qui ait des dames mesdit, et elles touchent son timbre, qu'il soit le lendemain pour recommandé. Touttefois nul ne doibt estre batu oudit Tournoy, se non par l'advis et ordonnance des juges, et le cas bien desbatu et attaint au vray, estre trouvé tel qu 'il mérite pugnicions et lors en ce cas doibt estre si bien batu le mesdisant, que ses espoules s'en sentent très bien, et par manière que une autreffois ne parle ou mesdie ainsi deshonettement des dames, comme il a acoustumé».{644}
Et dans les statuts de l'ordre de la Demi-Lune, fondé par le roi René en 1448, il est entre autres imposé à tous ses membres «de ne mesdire de femmes de quelques estât qu'elles soient pour chose qui doibve advenir».{645}