Harry se précipita pour ramasser la lettre mais la tante Pétunia fut plus rapide que lui.
– Tu peux l’ouvrir si tu veux, dit Harry, mais je saurai quand même ce qu’il y a dedans. C’est une Beuglante.
– Lâche ça, Pétunia, rugit l’oncle Vernon. N’y touche pas. Ça peut être dangereux !
– C’est à moi qu’elle est adressée, dit la tante Pétunia d’une voix tremblante. À
Horrifiée, elle reprit son souffle. Une fumée s’élevait de l’enveloppe rouge.
– Ouvre-la ! s’écria Harry. Fais vite ! De toute façon, tu ne peux pas y échapper !
– Non, je ne veux pas.
La main tremblante, elle jetait en tous sens des regards affolés, comme si elle cherchait un moyen de s’enfuir, mais il était trop tard : l’enveloppe s’enflamma et la tante Pétunia la lâcha en poussant un hurlement.
Une voix terrifiante s’éleva alors de la lettre de feu, résonnant avec force dans l’espace confiné de la cuisine :
La tante Pétunia semblait sur le point de s’évanouir. La tête entre les mains, elle se laissa tomber sur la chaise à côté de Dudley. Dans le silence, l’enveloppe acheva de se consumer, se transformant en un petit tas de cendres.
– Qu’est-ce que c’est que ça ? dit l’oncle Vernon d’une voix rauque. Que… Je ne… Pétunia ?
Elle ne répondit pas. Dudley regardait sa mère d’un air stupide, la bouche grande ouverte. Un silence horrible, vertigineux, s’installa. Abasourdi, Harry observait sa tante avec l’impression que sa tête douloureuse allait exploser.
– Pétunia, ma chérie ? dit timidement l’oncle Vernon. P-Pétunia.
Elle leva les yeux, toujours tremblante, puis déglutit avec difficulté.
– Ce… ce garçon doit rester ici, Vernon, dit-elle d’une voix faible.
– Qu-quoi ?
– Il doit rester, répéta-t-elle en regardant Harry.
Elle se leva à nouveau.
– Il… Mais… Pétunia…
– Si nous le mettons dehors, les voisins vont jaser, dit-elle.
Bien qu’elle fût toujours très pâle, elle retrouva très vite sa brusquerie habituelle et ses manières cassantes.
– Ils vont poser des questions embarrassantes, ils voudront savoir où il est parti. Nous devons le garder chez nous.
L’oncle Vernon sembla se dégonfler comme un vieux pneu.
– Mais Pétunia, ma chérie…
La tante Pétunia ne lui prêta aucune attention. Elle se tourna vers Harry.
– Tu vas rester dans ta chambre, dit-elle. Interdiction de quitter la maison. Et maintenant, va te coucher.
Harry ne bougea pas.
– Qui t’a envoyé cette Beuglante ?
– Ne pose pas de questions, répliqua-t-elle sèchement.
– Tu es en contact avec des sorciers ?
– Je t’ai dit d’aller te coucher !
– Qu’est-ce que ça signifiait ? Souviens-toi de ma dernière quoi ?
– File au lit !
– Comment se fait-il que… ?
– TU AS ENTENDU CE QUE T’A DIT TA TANTE ? VA TE COUCHER !
3. LA GARDE RAPPROCHÉE
« Je viens d’être attaqué par des Détraqueurs et on va peut-être me renvoyer de Poudlard. Je veux savoir ce qui se passe et quand je pourrai enfin sortir d’ici. »
Dès qu’il fut remonté dans sa chambre mal éclairée, Harry s’installa à son bureau et recopia ces mots sur trois parchemins différents. Il adressa le premier à Sirius, le deuxième à Ron et le troisième à Hermione. Hedwige, sa chouette, était partie chasser. Sa cage vide était posée sur le bureau. Harry fit les cent pas dans la pièce en attendant son retour. Son cœur cognait contre sa poitrine et il pensait à trop de choses à la fois pour songer à dormir, même si la fatigue lui picotait les yeux. Porter son cousin lui avait fait mal au dos et les deux bosses sur sa tête, l’une due au battant de la fenêtre, l’autre au coup de poing de Dudley, le lançaient douloureusement.
Il arpentait sa chambre en tous sens, rongé par la colère et la contrariété, dents et poings serrés, jetant des regards furieux vers le ciel étoilé et vide chaque fois qu’il passait devant la fenêtre. On lui avait envoyé des Détraqueurs, Mrs Figg et Mondingus Fletcher le suivaient en secret, on l’avait suspendu de Poudlard et enfin il devait comparaître en audience au ministère de la Magie – mais il ne se trouvait toujours personne pour lui expliquer ce qui se passait.
Et que signifiait donc cette Beuglante ? À qui appartenait cette voix si horrible, si menaçante qui avait résonné dans la cuisine ?
Pourquoi était-il toujours coincé ici sans rien savoir ? Pourquoi tout le monde le traitait-il comme un gamin pris en faute ? « Ne fais plus usage de magie, ne sors plus de la maison… »
En passant, il donna à sa valise un grand coup de pied qui ne soulagea nullement sa colère. C’était même pire car il éprouvait à présent dans son gros orteil une douleur aiguë qui venait s’ajouter à toutes les autres.
Tandis qu’il s’approchait de la fenêtre en boitillant, Hedwige s’engouffra dans la pièce avec un léger bruissement d’ailes, comme un petit fantôme.