Il eut le temps d’apercevoir une chambre sinistre avec de hauts plafonds et des lits jumeaux, puis il entendit un gazouillis sonore suivi d’un cri perçant et son champ de vision fut complètement obscurci par une masse épaisse de cheveux ébouriffés. Hermione s’était jetée sur lui et le serrait dans une étreinte qui faillit l’aplatir, tandis que Coquecigrue, le minuscule hibou de Ron, voletait autour d’eux d’un air surexcité.
– HARRY ! Ron, ça y est, il est là, c’est Harry ! Nous ne t’avions pas entendu arriver ! Oh, comment vas-tu ? Ça va ? Tu étais furieux contre nous ? Je peux l’imaginer, nos lettres n’avaient aucun intérêt, nous ne pouvions rien te dire, Dumbledore nous avait fait jurer de garder le silence mais maintenant, on a tellement de choses à te raconter et toi aussi… Les Détraqueurs ! Quand nous avons entendu ça, et l’histoire de l’audience au ministère… quel scandale ! J’ai bien étudié la question, ils ne peuvent pas te renvoyer, c’est impossible, il y a une disposition dans le décret sur la Restriction de l’usage de la magie chez les sorciers de premier cycle qui autorise le recours aux sortilèges en cas de légitime défense…
– Laisse-le respirer, Hermione, dit Ron avec un grand sourire tandis qu’il refermait la porte derrière Harry.
Il semblait avoir encore pris plusieurs centimètres au cours du mois écoulé et paraissait plus grand et dégingandé que jamais. En revanche, son long nez, ses cheveux carotte et ses taches de rousseur n’avaient pas changé.
Toujours rayonnante, Hermione lâcha Harry mais, avant qu’elle ait pu prononcer un mot de plus, il y eut un léger bruissement et une forme blanche s’envola du sommet d’une armoire pour atterrir en douceur sur l’épaule de Harry.
– Hedwige !
La chouette des neiges claqua du bec et lui mordilla affectueusement l’oreille tandis que Harry lui caressait les plumes.
– Elle était de très mauvaise humeur, dit Ron, elle a failli nous dévorer à moitié quand elle nous a apporté tes dernières lettres. Regarde ça…
Il montra à Harry l’index de sa main droite qui présentait une coupure à moitié guérie mais profonde.
– Ah oui, désolé, dit Harry, mais je voulais absolument des réponses…
– On aurait bien voulu te les donner, répondit Ron. Hermione en devenait folle, elle n’arrêtait pas de dire que tu finirais par faire une bêtise si tu restais tout seul sans aucune nouvelle, mais Dumbledore nous a fait…
– … jurer de garder le silence, acheva Harry. Je sais, Hermione me l’a déjà dit.
L’impression de chaleur qui l’avait envahi à la vue de ses deux meilleurs amis s’était dissipée et une sensation glacée se répandait à présent au creux de son estomac. Tout à coup – après avoir éprouvé pendant un mois entier un tel désir de les revoir – il avait plutôt envie que Ron et Hermione le laissent seul.
Il y eut un silence tendu pendant lequel Harry caressa machinalement Hedwige, sans regarder les deux autres.
– Il pensait que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire, reprit Hermione, la voix un peu haletante. Dumbledore, je veux dire.
– C’est ça, répondit Harry.
Il remarqua que les mains d’Hermione portaient également la trace des coups de bec d’Hedwige et s’aperçut qu’il n’en éprouvait aucun remords.
– À mon avis, il pensait que tu étais plus en sécurité chez les Moldus…, commença Ron.
– Ah ouais ? dit Harry en haussant les sourcils. Est-ce que l’un de
– Non, bien sûr… mais c’est pour ça qu’il te faisait surveiller sans arrêt par des gens de l’Ordre du Phénix…
Harry ressentit une brusque secousse, comme s’il avait raté une marche en descendant un escalier. Ainsi donc, tout le monde savait qu’il était surveillé, sauf lui.
– Ça n’a pas marché si bien que ça, on dirait, remarqua Harry en faisant de son mieux pour parler d’une voix égale. En définitive, j’ai été obligé de me débrouiller tout seul.
– Il était dans une fureur…, dit Hermione d’une voix presque terrorisée. Dumbledore. On l’a vu. Quand il a appris que Mondingus était parti avant la fin de son tour de garde. C’était effrayant.
– Eh bien, moi, je suis très content qu’il soit parti, répliqua froidement Harry. Sinon, je n’aurais pas été obligé de jeter un sortilège et Dumbledore m’aurait sans doute laissé mijoter à Privet Drive tout l’été.
– Tu n’es pas… inquiet à propos de ta convocation au ministère de la Magie ? demanda Hermione à voix basse.
– Non, répondit Harry sur un ton de défi.
Il s’éloigna d’eux en jetant des coups d’œil autour de lui, Hedwige, l’air satisfait, blottie sur son épaule. Mais cette pièce n’était pas faite pour lui remonter le moral. Elle était sombre et humide. Une toile vide dans un cadre ouvragé constituait le seul élément qui rompait un peu la monotonie des murs au papier peint décollé. Lorsque Harry passa devant, il lui sembla entendre quelqu’un ricaner, quelque part dans l’obscurité.