Harry avait si froid, à présent, qu’il songeait avec envie au confort tiède et douillet des voitures dont le flot s’étirait sous leurs yeux. Avec une envie plus intense encore, il s’imaginait voyageant par la poudre de Cheminette : une méthode sans doute inconfortable mais, au moins, il faisait chaud dans les flammes des feux de bois… Kingsley Shacklebolt décrivit un cercle autour de lui, son crâne chauve et l’anneau de son oreille brillant légèrement au clair de lune… À présent, Emmeline Vance avait pris position à sa droite, sa baguette à la main, tournant la tête de gauche et de droite pour surveiller les alentours… Elle vira à son tour, laissant la place à Sturgis Podmore…
– Nous devrions revenir en arrière pour nous assurer que nous ne sommes pas suivis ! s’écria Maugrey.
– TU ES FOU, FOL ŒIL ? s’exclama Tonks, à l’avant de la formation. Nous sommes tous gelés jusqu’au manche ! Si nous changeons sans cesse de cap, nous arriverons là-bas la semaine prochaine ! D’ailleurs, nous y sommes presque !
– Il est temps d’amorcer la descente ! lança la voix de Lupin. Suis bien Tonks, Harry !
Tonks descendit en piqué et Harry imita sa trajectoire. Ils se dirigeaient vers la plus grosse concentration de lumières qu’il ait jamais vue, une masse gigantesque et tentaculaire de lignes étincelantes qui s’entrecroisaient dans tous les sens, parsemées par endroits de taches d’un noir profond. Ils volèrent de plus en plus bas jusqu’à ce que Harry puisse distinguer un à un les phares et les réverbères, les cheminées et les antennes de télévision. Il avait hâte d’atteindre le sol, mais il faudrait sûrement le dégeler pour arriver à le décoller de son balai.
– On y est ! s’exclama Tonks.
Quelques secondes plus tard, elle avait atterri. Harry se posa juste derrière elle et descendit de son balai sur un carré de pelouse à l’abandon, au milieu d’une petite place. Tonks était déjà en train de détacher la valise. Frissonnant, Harry jeta un regard autour de lui. Les façades crasseuses des maisons environnantes n’étaient guère accueillantes. Certaines d’entre elles avaient des fenêtres cassées qui luisaient tristement à la lumière des réverbères, la peinture des portes s’écaillait et des tas d’ordures couvraient par endroits les marches des perrons.
– Où sommes-nous ? demanda Harry, mais Lupin lui répondit à voix basse : Attends un instant.
Maugrey fouillait dans les replis de sa cape, ses mains noueuses rendues malhabiles par le froid.
– Ah, je l’ai, marmonna-t-il.
Il leva devant lui quelque chose qui ressemblait à un briquet argenté et l’alluma. Le réverbère le plus proche s’éteignit alors en produisant un petit claquement sec. Maugrey actionna à nouveau le briquet et le réverbère suivant s’éteignit à son tour. Il continua ainsi jusqu’à ce que toutes les lampes de la place se soient éteintes. Les seules lumières qui demeuraient provenaient de fenêtres masquées par des rideaux et de la lune en lame de faucille qui brillait au-dessus d’eux.
– J’ai emprunté ça à Dumbledore, grogna Maugrey en remettant l’Éteignoir dans sa poche. Comme ça, les Moldus ne pourront plus rien voir par leurs fenêtres, tu comprends ? Et maintenant, viens vite.
Il prit Harry par le bras et l’entraîna sur le trottoir d’en face. Lupin et Tonks suivaient en portant sa valise. Le reste de la garde, baguettes brandies, les encadrait.
Le son étouffé d’une chaîne stéréo s’élevait d’une fenêtre, au dernier étage de la maison voisine. Un tas de sacs-poubelle, derrière la porte cassée, dégageait une odeur âcre d’ordures en décomposition.
– C’est là, murmura Maugrey.
Il tendit un morceau de parchemin à Harry, toujours désillusionné, et l’éclaira de sa baguette allumée pour qu’il puisse voir ce qui y était écrit.
– Lis ça et inscris-le dans ta mémoire.
Harry regarda le morceau de papier. L’écriture étroite lui était vaguement familière. Il lut : « Le quartier général de l’Ordre du Phénix se trouve au 12, square Grimmaurd, Londres. »
4. 12, SQUARE GRIMMAURD
– Qu’est-ce que c’est, l’Ordre du… ? commença Harry.
– Pas ici, mon garçon ! grogna Maugrey. Attends d’être entré !
Il reprit le morceau de parchemin et y mit le feu du bout de sa baguette magique. Tandis que le message s’enflammait et voletait en cendres vers le sol, Harry regarda à nouveau les maisons autour de lui. Ils se trouvaient devant le numéro 11. À gauche, il vit le numéro 10, à droite, le numéro 13.
– Mais où est le… ?
– Pense à ce que tu viens de lire, dit Lupin à voix basse.
Harry obéit et, à peine s’était-il répété les mots « 12, square Grimmaurd », qu’une vieille porte délabrée surgit de nulle part entre les numéros 11 et 13. Des murs décrépis aux fenêtres crasseuses apparurent à leur tour. C’était comme si une nouvelle maison avait soudain écarté les deux autres pour se glisser entre elles. Harry la contempla bouche bée. On entendait toujours les pulsations de la musique, au numéro 11. Apparemment, les Moldus qui habitaient là ne s’étaient aperçus de rien.