Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome I полностью

– Décidément, sire, dit la comtesse, plutôt piquée que reconnaissante du poétique envoi, décidément M. de Voltaire veut se raccommoder avec vous.

– Oh! quant à cela, c’est peine perdue, dit Louis XV; c’est un brouillon qui mettrait tout à sac s’il rentrait à Paris. Qu’il aille chez son ami, mon cousin Frédéric II. C’est déjà bien assez que nous ayons M. Rousseau. Mais prenez donc ces vers, comtesse, et méditez-les.

La comtesse prit le papier, le roula en forme d’allumette, et le déposa près de son assiette.

Le roi la regardait faire.

– Sire, dit Chon, un peu de ce tokay.

– Il vient des caves mêmes de Sa Majesté l’empereur d’Autriche, dit la comtesse; prenez de confiance, sire.

– Oh! des caves de l’empereur…, dit le roi; il n’y a que moi qui en aie.

– Aussi me vient-il de votre sommelier, sire.

– Comment! vous avez séduit…?

– Non, j’ai ordonné.

– Bien répondu, comtesse. Le roi est un sot.

– Oh! oui, mais M. la France…

– M. la France a au moins le bon esprit de vous aimer de tout son cœur, lui.

– Ah! sire, pourquoi n’êtes-vous pas véritablement M. la France tout court?

– Comtesse, pas de politique.

– Le roi prendra-t-il du café? dit Chon.

– Certainement.

– Et Sa Majesté le brûlera comme d’habitude? demanda la comtesse.

– Si la dame châtelaine ne s’y oppose pas.

La comtesse se leva.

– Que faites-vous?

– Je vais vous servir, monseigneur.

– Allons, dit le roi en s’allongeant sur sa chaise comme un homme qui a parfaitement soupé et dont un bon repas a mis les humeurs en équilibre, allons, je vois que ce que j’ai de mieux à faire est de vous laisser faire, comtesse.

La comtesse apporta sur un réchaud d’argent une petite cafetière contenant le moka brûlant; puis elle posa devant le roi une assiette supportant une tasse de vermeil et un petit carafon de Bohême; puis près de l’assiette elle posa une petite allumette de papier.

Le roi, avec l’attention profonde qu’il donnait d’habitude à cette opération, calcula son sucre, mesura son café, et, versant doucement son eau-de-vie pour que l’alcool surnageât, il prit le petit rouleau de papier qu’il alluma à la bougie, et avec lequel il communiqua la flamme à la liqueur brûlante.

Puis il le jeta dans le réchaud, où il acheva de se consumer.

Cinq minutes après, il savourait son café avec toute la volupté d’un gastronome achevé.

La comtesse le laissa faire; mais, à la dernière goutte:

– Ah! sire, s’écria-t-elle, vous avez allumé votre café avec les vers de M. de Voltaire, cela portera malheur aux Choiseul.

– Je me trompais, dit le roi en riant, vous n’êtes pas une fée, vous êtes un démon.

La comtesse se leva.

– Sire, dit-elle, Votre Majesté veut-elle voir si le gouverneur est rentré?

– Ah! Zamore? Bah! pourquoi faire?

– Mais pour vous en aller à Marly, sire.

– C’est vrai, dit le roi en faisant un effort pour s’arracher au bien-être qu’il éprouvait. Allons voir, comtesse, allons voir.

Madame du Barry fit un signe à Chon, qui s’éclipsa.

Le roi reprit son investigation, mais, il faut le dire, avec un esprit bien différent de celui qui avait présidé au commencement de la recherche. Les philosophes ont dit que la façon sombre ou couleur de rose dont l’homme envisage les choses dépend presque toujours de l’état de leur estomac.

Or, comme les rois ont des estomacs d’homme, moins bons généralement que ceux de leurs sujets, c’est vrai, mais communiquant leur bien-être ou leur mal-être au reste du corps exactement comme les autres, le roi paraissait d’aussi charmante humeur qu’il est possible à un roi de l’être.

Au bout de dix pas faits dans le corridor un nouveau parfum vint par bouffées au-devant du roi.

Une porte donnant sur une charmante chambre tendue de satin bleu, broché de fleurs naturelles, venait de s’ouvrir et découvrait, éclairée par une mystérieuse lumière, l’alcôve vers laquelle, depuis deux heures, avaient tendu les pas de l’enchanteresse.

– Eh bien! sire, dit-elle, il paraît que Zamore n’a point reparu, que nous sommes toujours enfermés, et qu’à moins que nous ne nous sauvions du château par les fenêtres…

– Avec les draps du lit? demanda le roi.

– Sire, dit la comtesse avec un admirable sourire, usons, n’abusons pas.

Le roi ouvrit les bras en riant, et la comtesse laissa tomber la belle rose, qui s’effeuilla en roulant sur le tapis.

<p id="_Toc103004317">Chapitre XXXIV Voltaire et Rousseau</p>

Comme nous l’avons dit, la chambre à coucher de Luciennes était une merveille de construction et d’aménagement.

Située à l’orient, elle était fermée si hermétiquement par les volets dorés et les rideaux de satin, que le jour n’y pénétrait jamais avant d’avoir, comme un courtisan, obtenu ses petites et grandes entrées.

L’été, des ventilateurs invisibles y secouaient un air tamisé, pareil à celui qu’aurait pu produire un millier d’éventails.

Il était dix heures lorsque le roi sortit de la chambre bleue.

Cette fois, les équipages du roi attendaient depuis neuf heures dans la grande cour.

Zamore, les bras croisés, donnait ou faisait semblant de donner des ordres.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Битва за Рим
Битва за Рим

«Битва за Рим» – второй из цикла романов Колин Маккалоу «Владыки Рима», впервые опубликованный в 1991 году (под названием «The Grass Crown»).Последние десятилетия существования Римской республики. Далеко за ее пределами чеканный шаг легионов Рима колеблет устои великих государств и повергает во прах их еще недавно могущественных правителей. Но и в границах самой Республики неспокойно: внутренние раздоры и восстания грозят подорвать политическую стабильность. Стареющий и больной Гай Марий, прославленный покоритель Германии и Нумидии, с нетерпением ожидает предсказанного многие годы назад беспримерного в истории Рима седьмого консульского срока. Марий готов ступать по головам, ведь заполучить вожделенный приз возможно, лишь обойдя беспринципных честолюбцев и интриганов новой формации. Но долгожданный триумф грозит конфронтацией с новым и едва ли не самым опасным соперником – пылающим жаждой власти Луцием Корнелием Суллой, некогда правой рукой Гая Мария.

Валерий Владимирович Атамашкин , Колин Маккалоу , Феликс Дан

Проза / Историческая проза / Проза о войне / Попаданцы
Чингисхан
Чингисхан

Роман В. Яна «Чингисхан» — это эпическое повествование о судьбе величайшего полководца в истории человечества, легендарного объединителя монголо-татарских племен и покорителя множества стран. Его называли повелителем страха… Не было силы, которая могла бы его остановить… Начался XIII век и кровавое солнце поднялось над землей. Орды монгольских племен двинулись на запад. Не было силы способной противостоять мощи этой армии во главе с Чингисханом. Он не щадил ни себя ни других. В письме, которое он послал в Самарканд, было всего шесть слов. Но ужас сковал защитников города, и они распахнули ворота перед завоевателем. Когда же пали могущественные государства Азии страшная угроза нависла над Русью...

Валентина Марковна Скляренко , Василий Григорьевич Ян , Василий Ян , Джон Мэн , Елена Семеновна Василевич , Роман Горбунов

Детская литература / История / Проза / Историческая проза / Советская классическая проза / Управление, подбор персонала / Финансы и бизнес