Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome I полностью

La chambre, appelons ainsi ce compartiment, avait huit pieds de long, six de large, six de haut; en face de la portière, outre les fioles et les alambics, s’élevait, plus rapproché du quatrième panneau resté libre pour l’entrée et la sortie, s’élevait, disons-nous, un petit fourneau avec son auvent, son soufflet de forge et ses grilles; c’était ce fourneau, employé en ce moment à chauffer à blanc un creuset et à faire bouillir une mixture qui laissait échapper dans ce tuyau, que nous avons vu sortir par l’impériale, cette mystérieuse fumée sujet incessant d’étonnement et de curiosité pour les passants de tout pays, de tout âge et de tout sexe.


En outre, parmi les fioles, les boîtes, les livres et les cartons semés à terre avec un pittoresque désordre, on voyait des pinces de cuivre, des charbons trempant dans différentes préparations, un grand vase à moitié plein d’eau, et, pendant au plafond à des fils, des paquets d’herbes qui semblaient, les unes récoltées de la veille, les autres cueillies depuis cent ans.


Cet intérieur exhalait une odeur pénétrante que dans un laboratoire moins grotesque on eût appelée un parfum.


Au moment où entrait le voyageur, le vieillard, roulant son fauteuil avec une adresse et une agilité merveilleuses, se rapprocha du fourneau et se mit à écumer sa mixture avec une attention qui tenait du respect; puis, distrait par l’apparition qui s’offrait à lui, il renfonça de la main droite le bonnet de velours, jadis noir, qui empaquetait sa tête jusqu’au-dessous des oreilles, et duquel s’échappaient quelques mèches rares de cheveux brillants comme des fils d’argent, retirant de dessous la roulette de son fauteuil, avec une dextérité remarquable, le pan de sa longue robe de soie ouatée, que dix ans d’usage avaient transformée en une guenille sans couleur, sans forme, et surtout sans continuité.


Le vieillard paraissait être de fort mauvaise humeur, et grommelait tout en écumant sa mixture et en relevant sa robe:


– Il a peur, le maudit animal; et de quoi, je vous le demande? Il a secoué ma porte, ébranlé mon fourneau, et renversé un quart de mon élixir dans le feu. Acharat! au nom de Dieu, abandonnez moi cette bête-là dans le premier désert que nous traverserons.


Le voyageur sourit.


– D’abord, maître, dit-il, nous ne traversons plus de déserts, puisque nous sommes en France, et ensuite je ne puis me décider à abandonner ainsi un cheval de mille louis, ou plutôt qui n’a pas de prix, étant de la race d’Al Borach.


– Mille louis, mille louis! je vous les donnerai quand vous voudrez, les mille louis, ou leur équivalent. Voilà plus d’un million qu’il me coûte, à moi, votre cheval, sans compter les jours d’existence qu’il m’enlève.


– Qu’a-t-il donc fait encore, ce pauvre Djérid? Voyons!


– Ce qu’il a fait? Il a fait que quelques minutes encore et l’élixir bouillait sans qu’une seule goutte s’en fût échappée, ce que n’indiquent, il est vrai, ni Zoroastre, ni Paracelse, mais ce que recommande positivement Borri.


– Eh bien! cher maître, encore quelques secondes, et l’élixir bouillira.


– Ah! oui, bouillir! voyez, Acharat, c’est comme une malédiction, mon feu s’éteint, je ne sais ce qui tombe par la cheminée.


– Je le sais, moi, ce qui tombe par la cheminée, reprit le disciple en riant, c’est de l’eau.


– Comment! de l’eau? De l’eau! eh bien! alors voilà mon élixir perdu! c’est encore une opération à recommencer. Comme si j’avais du temps à perdre! Mon Dieu! mon Dieu! s’écria le vieux savant en levant les mains au ciel avec désespoir, de l’eau! et quelle eau, je vous le demande, Acharat?


– De l’eau pure du ciel, maître; il pleut à verse, ne vous en êtes-vous pas aperçu?


– Est-ce que je m’aperçois de quelque chose quand je suis à l’œuvre! De l’eau!… c’est donc cela!… Voyez-vous, Acharat, c’est impatientant, sur ma pauvre âme! Comment! depuis six mois je vous demande une mitre pour ma cheminée… Depuis six mois!… que dis-je? depuis un an. Eh bien! vous n’y pensez jamais… vous qui n’avez que cela à faire, cependant, puisque vous êtes jeune. Qu’arrive-t-il, grâce à votre négligence? c’est que la pluie aujourd’hui, c’est que le vent demain, confondent tous mes calculs et ruinent toutes mes opérations; et pourtant il faut que je me presse, par Jupiter! vous le savez bien, mon jour arrive, et si je ne suis pas en mesure pour ce jour-là, si je n’ai pas retrouvé l’élixir vital, adieu le sage, adieu le savant Althotas! Ma centième année commence le 13 juillet, à onze heures précises du soir, et d’ici là il faut que mon élixir ait atteint toute sa perfection.


– Mais cela se prépare à merveille, il me semble, cher maître, dit Acharat.


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