Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome I полностью

Sa figure malicieuse, à laquelle on eût pu trouver quelque ressemblance avec celle de Voltaire, s’animait en ce moment d’une double expression facile à saisir: la politesse voulait qu’il sourît à son hôte inconnu; l’impatience changeait cette disposition en une grimace dont la signification tournait décidément à l’atrabilaire et au rechigné; de sorte qu’éclairée par les lueurs tremblantes du bougeoir, dont les ombres hachaient les principaux traits, la physionomie du baron de Taverney pouvait passer pour celle d’un très laid seigneur.


– Monsieur, dit-il, puis-je savoir à quel heureux hasard je dois le plaisir de vous voir?


– Mais, monsieur, à l’orage qui a effrayé les chevaux, lesquels, en s’emportant, ont failli briser ma voiture. J’étais donc là sur la grand-route, sans postillons: l’un s’était laissé tomber de cheval, l’autre s’était sauvé avec le sien, lorsqu’un jeune homme que j’ai rencontré m’a indiqué le chemin qui conduisait à votre château, en me rassurant sur votre hospitalité bien connue.


Le baron leva son bougeoir pour éclairer un plus large espace de terrain et pour voir si, dans cet espace, il découvrirait le maladroit qui lui valait cet heureux hasard dont il parlait tout à l’heure.


De son côté, le voyageur chercha autour de lui pour voir si bien décidément son jeune guide s’était retiré.


– Et savez-vous comment se nomme celui qui vous a indiqué mon château, monsieur? demanda le baron de Taverney en homme qui veut savoir a qui exprimer sa reconnaissance.


– Mais c’est un jeune homme qui s’appelle, je crois, Gilbert.


– Ah! ah! Gilbert; je n’aurais pas cru qu’il fût bon, même à cela. Ah! c’est le fainéant Gilbert, le philosophe Gilbert!


À ce flux d’épithètes, accentuées d’une menaçante façon, le visiteur comprit qu’il existait peu de sympathie entre le seigneur suzerain et son vassal.


– Enfin, dit le baron après un moment de silence non moins expressif que ses paroles, veuillez entrer, monsieur.


– Permettez d’abord, monsieur, dit le voyageur, que je fasse remiser ma voiture, qui contient des objets assez précieux.


– La Brie! cria le baron, La Brie! conduisez la voiture de monsieur le baron sous le hangar; elle y sera un peu plus à couvert qu’au milieu de la cour, attendu qu’il y a encore beaucoup d’endroits où il reste des lattes; quant aux chevaux, c’est autre chose, je ne vous réponds pas qu’ils trouvent à souper; mais, comme ils ne sont point à vous et qu’ils sont au maître de poste, cela vous doit être à peu près égal.


– Cependant, monsieur, dit le voyageur impatient, si je vous gêne par trop, comme je commence à le croire…


– Oh! ce n’est pas cela, monsieur, interrompit poliment le baron, vous ne me gênez point; seulement, vous serez gêné, vous, je vous en préviens.


– Monsieur, croyez que je vous serai toujours reconnaissant…


– Oh! je ne me fais pas d’illusion, monsieur, dit le baron en levant de nouveau son bougeoir pour étendre le cercle de lumière du côté où Joseph Balsamo, aidé de La Brie, conduisait sa voiture, et en haussant la voix à mesure que son hôte s’éloignait; – oh! je ne me fais pas d’illusion, Taverney est un triste séjour, et un pauvre séjour surtout.


Le voyageur était trop occupé pour répondre; il choisissait, comme l’y avait invité le baron de Taverney, l’endroit le moins délabré du hangar pour y abriter sa voiture, et, quand elle fut à peu près à couvert, il glissa un louis dans la main de La Brie, et revint près du baron.


La Brie mit le louis dans sa poche, convaincu que c’était une pièce de vingt quatre sous, et remerciant le ciel de l’aubaine.


– À Dieu ne plaise que je pense de votre château le mal que vous en dites, monsieur, répondit Balsamo en s’inclinant devant le baron, qui, comme seule preuve qu’il lui avait dit la vérité, le conduisit, en secouant la tête, à travers une large et humide antichambre en grommelant:


– Bon, bon, je sais ce que je dis; je connais malheureusement mes ressources; elles sont fort bornées. Si vous êtes Français, monsieur le baron, mais votre accent allemand m’indique que vous ne l’êtes pas, quoique votre nom italien… Mais cela ne fait rien à la chose; si vous êtes Français, disais-je, ce nom de Taverney vous eût rappelé des souvenirs de luxe; on disait autrefois Taverney le Riche.


Balsamo pensait d’abord que cette phrase allait se terminer par un soupir, mais il n’en fut rien.


– De la philosophie! pensa-t-il.


– Par ici, monsieur le baron, par ici, continua le baron en ouvrant la porte de la salle à manger. Holà! maître La Brie, servez-nous comme si vous étiez cent valets de pied à vous tout seul.


La Brie se précipita pour obéir à son maître.


– Je n’ai que ce laquais, monsieur, dit Taverney, et il me sert bien mal. Mais je n’ai pas le moyen d’en avoir un autre. Cet imbécile est resté avec moi depuis près de vingt ans sans avoir touché un sou de gage, et je le nourris… à peu près comme il me sert… Il est stupide, vous verrez!


Balsamo poursuivait le cours de ses études.


– Sans cœur! dit-il; mais, au reste, peut-être n’est-ce que de l’affectation.


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