Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome I полностью

– Mais, mon père, il faut bien qu’on mange, dit tranquillement Andrée. Voyons, Legay, ajouta-t-elle d’une voix plus haute, est-ce fait?


– Oui, mademoiselle, répondit la jeune fille, qui apportait un plat de la plus appétissante odeur.


– Je sais bien qui ne mangera pas de ce plat-là, dit Taverney furieux en brisant son assiette.


– Monsieur en mangera peut-être, dit froidement Andrée.


Puis, se tournant vers son père:


– Vous savez, monsieur, que vous n’avez plus que dix-sept assiettes de ce service, qui me vient de ma mère.


Cela dit, elle trancha le gâteau fumant que Nicole Legay, la jolie chambrière, venait de poser sur la table.

Chapitre VI Andrée de Taverney

L’esprit d’observation de Joseph Balsamo trouvait une ample pâture dans chaque détail de cette existence étrange et isolée, perdue dans un coin de la Lorraine.


La salière seule lui révélait toute une face du caractère du baron de Taverney, ou plutôt son caractère sous toutes ses faces.


Aussi, ce fut en appelant à son aide sa plus délicate pénétration qu’il interrogea les traits d’Andrée au moment où elle effleura du bout de son couteau ces figures d’argent qui semblaient échappées d’un de ces repas nocturnes du régent, à la suite desquels Canillac avait la charge d’éteindre les bougies.


Soit curiosité, soit qu’il fût mû par un autre sentiment, Balsamo considérait Andrée avec une telle persévérance, que deux ou trois fois, en moins de dix minutes, les regards de la jeune fille durent rencontrer les siens. D’abord, la pure et chaste créature soutint ce regard singulier sans confusion mais enfin sa fixité devint telle, tandis que le baron déchiquetait du bout de son couteau le chef-d’œuvre de Nicole, qu’une impatience fébrile, qui lui fit monter le sang aux joues, commença à s’emparer d’elle. Bientôt, se sentant troublée sous ce regard presque surhumain, elle essaya de le braver, et ce fut elle, à son tour, qui regarda le baron de son grand œil clair et dilaté. Mais, cette fois encore, elle dut céder, et sa paupière, inondée du fluide magnétique que projetait l’œil ardent de son hôte, s’abaissa lourde et craintive, pour ne plus se lever qu’avec hésitation.


Cependant, tandis que cette lutte muette s’établissait entre la jeune fille et le mystérieux voyageur, le baron grondait, riait et maugréait, jurait en vrai seigneur campagnard, et pinçait le bras de La Brie, qui, malheureusement pour lui, se trouvait à sa portée dans un moment où son irritation nerveuse lui faisait éprouver le besoin de pincer quelque chose.


Il allait sans doute en faire autant à Nicole, quand les yeux du baron, pour la première fois sans doute, se portèrent sur les mains de la jeune femme de chambre.


Le baron adorait les belles mains: c’était pour de belles mains qu’il avait fait toutes ses folies de jeunesse.


– Voyez donc, dit-il, quels jolis doigts a cette drôlesse. Comme l’ongle s’effile, comme il se recourberait sur la peau, ce qui est une beauté suprême, si le bois qu’on fend, si les bouteilles qu’on rince, si les casseroles qu’on récure n’usaient affreusement la corne; car c’est de la corne que vous avez au bout des doigts, mademoiselle Nicole.


Nicole, peu habituée aux compliments du baron, le regardait avec un demi sourire, où l’étonnement avait plus de part encore que l’orgueil.


– Oui, oui, dit le baron, qui s’aperçut de ce qui se passait dans le cœur de la coquette jeune fille, fais la roue, je te le conseille. – Oh! c’est que je vous dirai, mon cher hôte, que mademoiselle Nicole Legay, ici présente, n’est point une prude comme sa maîtresse et qu’un compliment ne lui fait pas peur.


Les yeux de Balsamo se portèrent vivement sur la fille du baron, et il vit luire le dédain le plus suprême sur le beau visage d’Andrée. Alors il trouva convenable d’harmoniser sa figure avec celle de la fière enfant; celle-ci le remarqua, et lui en sut gré sans doute, car elle le regarda avec moins de dureté ou plutôt avec moins d’inquiétude qu’elle n’avait fait jusque-là.


– Croyez-vous, monsieur, continua le baron en passant le dos de sa main sous le menton de Nicole qu’il paraissait décidé à trouver charmante ce soir là, croiriez-vous que cette donzelle arrive du couvent comme ma fille et a presque reçu de l’éducation? Aussi mademoiselle Nicole ne quitte pas sa maîtresse un seul instant. C’est un dévouement qui ferait sourire de joie messieurs les philosophes qui prétendent que ces espèces-là ont des âmes.


– Monsieur, dit Andrée mécontente, ce n’est point par dévouement que Nicole ne me quitte point, c’est parce que je lui ordonne de ne pas me quitter.


Balsamo leva les yeux sur Nicole pour voir l’effet que feraient sur elle les paroles de sa maîtresse, fières jusqu’à l’insolence, et il vit, à la crispation de ses lèvres, que la jeune fille n’était point insensible aux humiliations qui ressortaient de son état de domesticité.


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