Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome I полностью

– Si fait, répondit le voyageur en fixant sur divination un de ces regards perçants qui fouillaient les cœurs; si fait, j’ai à te dire ce que Jésus dit à Judas: je te le dirai tout à l’heure.

Celui auquel il s’adressait devint plus pâle que son linceul, tandis qu’un murmure courant par toute l’assemblée semblait demander compte au récipiendaire de cette étrange accusation.

– Tu oublies le représentant de la France, dit le président.

– Celui-là n’est point parmi nous, répondit l’étranger avec hauteur, et tu le sais bien, toi qui parles, puisque voilà son siège vide. Maintenant rappelle-toi que les pièges font sourire celui qui voit dans les ténèbres, qui agit malgré les éléments et qui vit malgré la mort.

– Tu es jeune, reprit le président, et tu parles avec l’autorité d’un dieu… Réfléchis bien, à ton tour: l’audace n’étourdit que les hommes irrésolus ou ignorants.

Un sourire de suprême dédain se dessina sur les lèvres de l’étranger.

– Vous êtes tous irrésolus, dit-il, puisque vous ne pouvez agir sur moi; vous êtes tous ignorants, puisque vous ne savez pas qui je suis, tandis qu’au contraire je sais, moi, qui vous êtes: donc je réussirais près de vous rien qu’avec de l’audace; mais à quoi sert l’audace à celui qui est tout-puissant?

– La preuve de cette puissance, dit le président, la preuve, donnez-nous-la.

– Qui vous a convoqués? demanda l’inconnu, passant du rôle d’interrogé à celui d’interrogateur.

– Le cercle suprême.

– Ce n’est pas sans but, dit l’étranger en se retournant vers le président et vers les cinq chefs, que vous êtes venus, vous de Suède, vous de Londres, vous de New-York, vous de Zurich, vous de Madrid, vous de Varsovie, vous tous enfin, continua-t-il en s’adressant à la foule, des quatre parties du monde, pour vous réunir dans le sanctuaire de la foi terrible.

– Non, sans doute, répondit le président, nous venons au-devant de celui qui a fondé un empire mystérieux en orient, qui a réuni les deux hémisphères dans une communauté de croyances, qui a enlacé les mains fraternelles du genre humain.

– Y a-t-il un signe certain auquel vous puissiez le reconnaître?

– Oui, dit le président, et Dieu a daigné me le dévoiler par l’intermédiaire de ses anges.

– Vous seul connaissez ce signe, alors?

– Moi seul le connais.

– Vous n’avez révélé ce signe à personne?

– À personne au monde.

– Dites-le tout haut.

Le président hésita.

– Dites, répéta l’étranger avec le ton du commandement, dites, car le moment de la révélation est venu!

– Il portera sur la poitrine, dit le chef suprême, une plaque de diamant, et sur cette plaque étincelleront les trois premières lettres d’une devise connue de lui seul.

– Quelles sont ces trois lettres?

– L. P. D.

L’étranger écarta d’un mouvement rapide sa redingote et son gilet, et sur sa chemise de fine batiste apparut, resplendissante comme une étoile de flamme, la plaque de diamant sur laquelle flamboyaient les trois lettres de rubis.

– LUI! s’écria le président épouvanté; serait-ce lui?

– Celui que le monde attend! dirent avec anxiété les chefs.

– Le Grand Cophte! murmurèrent trois cents voix.

– Eh bien! s’écria l’étranger avec l’accent du triomphe, me croirez-vous maintenant quand je vous répéterai pour la seconde fois: Je suis celui qui est?

– Oui, dirent les fantômes en se prosternant.

– Parlez, maître, dirent le président et les cinq chefs, le front incliné vers la terre; parlez, et nous obéirons.

<p id="_Toc103004283">Introduction III L P D</p>

Il se fit un silence de quelques secondes, pendant lequel l’inconnu parut recueillir toutes ses pensées. Puis au bout d’un instant:

– Seigneurs, dit-il, vous pouvez déposer les épées qui fatiguent inutilement vos bras et me prêter une oreille attentive; car vous aurez beaucoup à apprendre dans le peu de paroles que je vais vous adresser.

L’attention redoubla.

– La source des grands fleuves est presque toujours divine, c’est pour cela qu’elle est inconnue; comme le Nil, comme le Gange, comme l’Amazone, je sais où je vais, mais j’ignore d’où je viens! Tout ce que je me rappelle, c’est que le jour où les yeux de mon âme s’ouvrirent à la perception des objets extérieurs, je me trouvais dans Médine la ville sainte, courant à travers les jardins du muphti Salaaym.

«C’était un respectable vieillard que j’aimais comme mon père, et qui cependant n’était point mon père; car, s’il me regardait avec tendresse, il ne me parlait qu’avec respect; trois fois par jour il s’écartait pour laisser arriver jusqu’à moi un autre vieillard dont je ne prononce le nom qu’avec une reconnaissance mêlée d’effroi; ce vieillard respectable, auguste réceptacle de toutes les sciences humaines, instruit par les sept esprits supérieurs dans tout ce qu’apprennent les anges pour comprendre Dieu, s’appelle Althotas; il fut mon gouverneur, il fut mon maître; il est encore mon ami, ami vénérable, car il a deux fois l’âge du plus âgé d’entre vous.»

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