Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome II полностью

Et, l’entendant remonter l’escalier, il s’empressa d’aller lui ouvrir la porte.

Le jour se passa tout entier dans un travail ininterrompu. Gilbert avait appliqué à ce monotone labeur de la copie son activité, sa pénétrante intelligence et son assiduité obstinée. Ce qu’il ne comprenait pas, il le devinait; et sa main, esclave d’une volonté de fer, traçait les caractères sans hésitation, sans erreur. De sorte que, vers le soir, il en était arrivé à sept pages d’une copie, sinon élégante, du moins irréprochable.

Rousseau regardait ce travail en juge et en philosophe à la fois. Comme juge, il critiqua la forme des notes, la finesse des déliés, les écartements des soupirs ou des points; mais il convint qu’il y avait déjà un progrès notable sur la copie de la veille, et il donna vingt-cinq sous à Gilbert.

Comme philosophe, il admirait la force de la volonté humaine, qui peut courber douze heures de suite, sous le travail, un jeune homme de dix-huit ans, au corps souple et élastique, au tempérament passionné, car Rousseau avait facilement reconnu l’ardente passion qui brûlait le cœur du jeune homme; seulement, il ignorait si cette passion était l’ambition ou l’amour.

Gilbert pesa dans sa main l’argent qu’il venait de recevoir: c’était une pièce de vingt-quatre sous et un sou. Il mit le sou dans une poche de sa veste, probablement avec les autres sous qui lui restaient de la veille, et, serrant avec une satisfaction ardente la pièce de vingt-quatre sous dans sa main droite, il dit:

– Monsieur, vous êtes mon maître, puisque c’est chez vous que j’ai trouvé de l’ouvrage; vous me donnez même le logement gratis. Je pense donc que vous pourriez mal juger de moi si j’agissais sans vous communiquer mes actions.

Rousseau le regarda de son œil effarouché.

– Quoi! dit-il, que voulez-vous donc faire? Avez vous pour demain une intention autre que de travailler?

– Monsieur, oui, pour demain, avec votre permission, je voudrais être libre.

– Pour quoi faire? dit Rousseau; pour fainéantiser?

– Monsieur, dit Gilbert, je voudrais aller à Saint-Denis.

– À Saint-Denis?

– Oui; madame la dauphine arrive demain à Saint-Denis.

– Ah! c’est vrai; demain il y a des fêtes à Saint-Denis pour la réception de madame la dauphine.

– C’est cela, dit Gilbert.

– Je vous aurais cru moins badaud, mon jeune ami, dit Rousseau, et vous m’avez fait d’abord l’effet de bien autrement mépriser les pompes du pouvoir absolu.

– Monsieur…

– Regardez-moi, moi que vous prétendez quelquefois prendre pour modèle. Hier, un prince royal est venu me solliciter d’aller à la cour, non pas comme vous irez, pauvre enfant, en vous hissant sur la pointe des pieds pour regarder, par-dessus l’épaule d’un garde-française, passer la voiture du roi, à laquelle on portera les armes comme on fait pour le Saint-Sacrement, mais pour paraître devant les princes, pour voir le sourire des princesses. Eh bien! moi, obscur citoyen, j’ai refusé l’invitation de ces grands.

Gilbert approuva de la tête.

– Et pourquoi ai-je refusé cela? continua Rousseau avec véhémence, parce que l’homme ne peut être double, parce que la main qui a écrit que la royauté était un abus, ne peut pas aller demander à un roi l’aumône d’une faveur; parce que moi qui sais que toute fête enlève au peuple un peu de ce bien-être dont il lui reste à peine pour ne pas se révolter, je proteste par mon absence contre toutes ces fêtes.

– Monsieur, dit Gilbert, je vous prie de croire que j’ai compris tout ce qu’il y a de sublime dans votre philosophie.

– Sans doute; cependant, puisque vous ne la pratiquez pas, permettez-moi de vous dire…

– Monsieur, dit Gilbert, je ne suis pas philosophe.

– Dites au moins ce que vous allez faire à Saint-Denis.

– Monsieur, je suis discret.

Le mot frappa Rousseau: il comprit qu’il y avait quelque mystère caché sous cet entêtement, et il regarda le jeune homme avec une espèce d’admiration que lui inspirait ce caractère.

– À la bonne heure, dit-il, vous avez un motif. J’aime mieux cela.

– Oui, monsieur, j’ai un motif, et qui ne ressemble en rien, je vous jure, à la curiosité que l’on a d’un spectacle.

– Tant mieux, ou peut-être tant pis, car votre regard est profond, jeune homme, et j’y cherche en vain la candeur et le calme de la jeunesse.

– Je vous ai dit, monsieur, répliqua tristement Gilbert, que j’avais été malheureux, et que, pour les malheureux, il n’y avait pas de jeunesse. Ainsi c’est convenu, vous me donnez le jour de demain?

– Je vous le donne, mon ami.

– Merci, monsieur.

– Seulement, dit Rousseau, à l’heure où vous regarderez passer toutes les pompes du monde, je développerai un de mes herbiers et je passerai en revue toutes les magnificences de la nature.

– Monsieur, dit Gilbert, n’eussiez-vous point abandonné tous les herbiers de la terre, le jour où vous allâtes pour revoir mademoiselle Galley après lui avoir jeté un bouquet de cerises dans son sein?

– Voilà qui est bien, dit Rousseau; c’est vrai, vous êtes jeune. Allez à Saint-Denis, mon enfant.

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