Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome II полностью

Il y avait le père, enfoui dans un grand habit de bouracan qui ne sortait de l’armoire que tous les dimanches, qu’il avait tiré de l’armoire pour cette occasion solennelle, et dont il se préoccupait plus que de sa femme et de sa fille, certain qu’elles se tireraient toujours d’affaire.

Il y avait une tante, grande, maigre, sèche et quinteuse.

Il y avait une servante qui riait toujours.

Cette dernière avait apporté, dans un énorme panier, un déjeuner complet. Sous ce poids, la vigoureuse fille n’avait pas cessé de rire et de chanter, encouragée par son maître, qui la relayait au besoin.

Alors, un serviteur était de la famille; il y avait une grande analogie entre lui et le chien de la maison: battu, quelquefois; exclu, jamais.

Gilbert contempla du coin de l’œil cette scène, complètement nouvelle pour lui. Enfermé au château de Taverney depuis sa naissance, il savait ce que c’était que le seigneur et que la valetaille, mais il ignorait entièrement le bourgeois.

Il vit chez ces braves gens, dans l’usage matériel des besoins de la vie, l’emploi d’une philosophie qui, sans procéder de Platon ni de Socrate, participait un peu de Bias, in extenso.

On avait apporté avec soi le plus possible, et on en tirait le meilleur parti possible.

Le père découpait un de ces appétissants morceaux de veau rôti, si cher aux petits bourgeois de Paris. Le comestible, déjà dévoré par les yeux de tous, reposait doré, friand et onctueux dans le plat de terre vernissé où l’avait enseveli la veille, parmi des carottes, des oignons et des tranches de lard, la ménagère soucieuse du lendemain. Puis la servante avait porté le plat chez le boulanger, qui, tout en cuisant son pain, avait donné asile dans son four à vingt plats pareils, tous destinés à rôtir et à se dorer de compagnie à la chaleur posthume des fagots.

Gilbert choisit au pied d’un orme voisin une petite place dont il épousseta l’herbe souillée avec son mouchoir à carreaux.

Il ôta son chapeau, posa son mouchoir sur cette herbe et s’assit.

Il ne donnait aucune attention à ses voisins; ce que voyant ceux-ci, ils le remarquèrent tout naturellement.

– Voilà un jeune homme soigneux, dit la mère.

La jeune fille rougit.

La jeune fille rougissait toutes les fois qu’il était question d’un jeune homme devant elle; ce qui faisait pâmer de satisfaction les auteurs de ses jours.

– Voilà un jeune homme soigneux, avait dit la mère.

En effet, chez la bourgeoise parisienne, la première observation portera toujours sur un défaut ou sur une qualité morale.

Le père se retourna.

– Et un joli garçon, dit-il.

La rougeur de la jeune fille augmenta.

– Il paraît bien fatigué, dit la servante; il n’a pourtant rien porté.

– Paresseux! dit la tante.

– Monsieur, dit la mère s’adressant à Gilbert avec cette familiarité d’interrogation qu’on ne trouve que chez les Parisiens, est-ce que les carrosses du roi sont encore loin?

Gilbert se retourna, et, voyant que c’était à lui que l’on adressait la parole, il se leva et salua.

– Voilà un jeune homme poli, dit la mère.

La jeune fille devint pourpre.

– Mais je ne sais, madame, répondit Gilbert; seulement, j’ai entendu dire que l’on voyait de la poussière à un quart de lieue à peu près.

– Approchez-vous, monsieur, dit le bourgeois, et si le cœur vous en dit…

Il lui montrait le déjeuner appétissant étendu sur l’herbe.

Gilbert s’approcha. Il était à jeun: l’odeur des mets lui paraissait séduisante; mais il sentit ses vingt-cinq ou ses vingt-six sous dans sa poche, et, songeant que pour le tiers de sa fortune il aurait un déjeuner presque aussi succulent que celui qui lui était offert, il ne voulut rien accepter de gens qu’il voyait pour la première fois.

– Merci, monsieur, dit-il, grand merci, j’ai déjeuné.

– Allons, allons, dit la bourgeoise, je vois que vous êtes homme de précaution, monsieur, mais vous ne verrez rien de ce côté-ci.

– Mais vous, dit Gilbert en souriant, vous ne verrez donc rien non plus, puisque vous y êtes comme moi?

– Oh! nous, dit la bourgeoise, c’est autre chose, nous avons notre neveu qui est sergent dans les gardes-françaises.

La jeune fille devint violette.

– Il se tiendra ce matin devant le Paon bleu, c’est son poste.

– Et sans indiscrétion, demanda Gilbert, où est le Paon bleu?

– Juste en face du couvent des carmélites, reprit la mère; il nous a promis de nous placer derrière son escouade; nous aurons là son banc, et nous verrons à merveille descendre de carrosse.

Ce fut au tour de Gilbert à sentir le rouge lui monter au visage; il n’osait se mettre à table avec ces braves gens, mais il mourait d’envie de les suivre.

Cependant sa philosophie, ou plutôt cet orgueil dont Rousseau l’avait tant engagé à se défier, lui souffla tout bas:

– C’est bon pour des femmes d’avoir besoin de quelqu’un; mais moi, un homme! n’ai-je pas des bras et des épaules?

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