Voilà ce qui s’est passé à Dorpat. Tout y est dans l’ordre requis. La scène change à Pétersbourg. Spalkhaber porte des plaintes au Gouverneur Général de la Livonie3
. Le Gouverneur Général, sans examiner si la chose est de sa compétence, sans s’informer si l’Université a eu des raisons d’agir ainsi, sans savoir à quel tribunal une chose pareille ressort, prescrit par le Curateur à l’Université le jugement qu’elle doit rendre. Le Curateur exige que l’arrêt qui condamne Spalkhaber soit biffé des registres du tribunal.Tout pêche en ce qui a été fait à Pétersbourg. L’affaire concernant la satisfaction privée est une affaire purement judiciaire. Or en toute affaire judiciaire personnelle ou réelle le § 6 de l’acte de fondation et le § 154 et 155 des Statuts de l’Université portent qu’on appelle du tribunal de l’Université au Conseil de l’Université et de celui-ci au Sénat de l’Empire. En outre un Ukase de V. M. elle-même (dont la date m’est échappée) défend à toute personne de marque ou même au supérieur de dicter à des tribunaux de justice les arrêts qu’ils ont à rendre, et malgré cela le Gouverneur Général dicte au Curateur de l’Université l’arrêt qu’il doit faire rendre par notre tribunal. J’ignore, Sire, jusqu’à quel point un Gouverneur Général peut étendre ou resserrer les limites de son autorité, mais cette extension ne pût assurément pas se faire au mépris de tant de Imanoï-Ukases.
Ainsi Spalkhaber devait accepter d’abord le droit de porter plainte, attendre la décision du tribunal, en appeler s’il le voulait à notre conseil, puis au Sénat de l’Empire. Sire! dans un cas infiniment plus grave, où le coupable a insulté formellement par écrit le Recteur et toute l’Université, repoussé le Militaire de V. M. en ameutant la populace, séduit les étudiants à la révolte contre leurs supérieurs, nous attendons en vain depuis un an la première sentence du tribunal inférieur d’où ressort le coupable4
. Et dans une affaire de bien moindre importance, où la satisfaction publique a déjà été donnée par une punition exemplaire on fait à notre Recteur écrasé de travaux un crime d’un délai de 3 jours au nombre desquels se trouve encore un dimanche!!! Nous avons puni sur le champ nos étudiants pour avoir commis un excès, non contre le militaire, mais simplement en sa présence, tandis que le crime d’ameuter la populace contre le militaire n’est pas encore puni par d’autres tribunaux. Nous sommes prêts à punir une étourderie de jeunesse contre un homme que le public accuse d’avoir provoqué l’offense, qui s’est permis plusieurs faussetés évidentes dans sa plainte, mais le coupable qui a ameuté notre jeunesse contre ses supérieurs hue depuis un an l’Université et se rit de ses efforts pour obtenir justice. Sire! Voilà l’équité que l’Université éprouve des gouverneurs généraux et des tribunaux.Enfin ce que l’on avance de plus plausible contre l’Université est que le tribunal a condamné Spalkhaber à 20 Roubles d’amende (au profit des pauvres) pour le ton insolant qu’il s’est permis contre le juge auquel il avait recours. On prétend que Spalkhaber ne ressortant pas de la juridiction de l’Université ne peut en être puni. – Sire! Si un tribunal insulté par un particulier ressortant ailleurs devait porter ses plaintes à un autre tribunal, tout procès civil entre particuliers deviendrait un procès injurieux entre le tribunal et celle des parties qui jugerait à propos de l’insulter et il n’existerait plus de respect envers le tribunal. Aussi les lois de tous les pays, notamment celles qui ont vogue en Livonie, le droit romain, les lois suédoises, livoniennes et russes exigent que le délinquant soit puni sur le champ par le tribunal offensé, sauf à lui à chercher recours après coup contre le tribunal. Il y a même davantage: l’ordonnance de Pierre Ier
affichée sur le miroir des juges5 porte peine contre les juges qui négligent ce devoir, et qu’on ne prétexte pas ignorance, un second Ukase affiché sur le même miroir des juges ordonne que cet Ukase soit ainsi affiché et serve de règle pour tous les tribunaux depuis le Sénat jusqu’au tribunal le plus inférieur.Vous avez peine, Sire, à croire à la vérité de tous ces faits. Mais daignez Vous souvenir de la plainte que le Ministre de l’intérieur porta au mois de juin à V. M. au nom de Magistrat de Dorpat contre nous relativement au terrain de l’Université6
. D’après cette plainte nous sommes des ravisseurs, des brigands qui nous sommes emparés à main armée du bien des paisibles bourgeois de Dorpat. Vous ordonnâtes que le terrain soit mesuré. Il l’a été, et j’ai depuis hier sous les yeux la déclaration formelle du Magistrat que l’Université n’a aucunement reculé les bornes de ce que la Couronne lui a donné, et des preuves claires que le Magistrat connaissait alors notre innocence aussi bien qu’aujourd’hui!