Читаем L'Empire des anges полностью

Je suffoque. Je ne supporte pas cet horrible enfermement. J'ouvre les yeux. Lorsque j'étais négociant chinois, je suis mort dans un univers noirâtre. Je rouvre les yeux dans un univers rougeâtre. Je suis toujours oppressée. Et il y a encore un cadavre tout contre moi!

C'est George, mon frère jumeau, que j'ai tué sans le vouloir.

J'étouffe, je veux sortir d'ici. De l'air, de l'air! Je me débats. Aujourd'hui, mon corps est moins lourd. Je tape, je frappe, je gesticule. Il y a forcément quelqu'un capable de m'aider à sortir.


Nous voilà au chevet de Venus.

Quelque chose ne va pas dans son esprit. J'essaie de pénétrer l'âme du bébé et je constate que je n'y parviens pas. Ici se dresse la limite de notre travail d'ange. Nous ne pouvons pas lire les pensées de nos clients.

Ce doit être son passé qui la tourmente. Je m'empresse de lui apposer l'empreinte, mais elle est fébrile, elle ne cesse de remuer et j'ai du mal à lui appliquer mon sceau.

– Elle fait une crise de claustrophobie, dit Raoul.

– Déjà?

– Bien sûr. Parfois le souvenir de la mort précédente laisse quelques séquelles. Elle ne supporte pas de rester dans un lieu clos. Nous n'avons pas le temps pour l'empreinte. Vite, il faut réagir.

– Je transmets l'intuition d'une césarienne au médecin accoucheur.

Lumière. La liberté enfin! Des mains me délivrent de ma prison, mais quelque chose demeure accroché à moi.

C'est le cadavre de George! Il m'étreint comme s'il voulait ne jamais me quitter. Quelle abomination! Je suis mort en homme un cadavre de femme dans les bras et je renais en femme accrochée à la dépouille d'un homme.

Les infirmières sont obligées d'employer de minuscules pinces pour contraindre un par un les doigts de George à me lâcher.


– Chut, oublie le passé.

À peine son corps est-il exposé à l'air libre que j'imprime la marque des anges au-dessus de ses lèvres. Trop occupés à la détacher de George, les médecins ne regardaient pas la frimousse de Venus. Sinon, ils auraient vu se creuser d'un coup une gouttière sous son nez.

27. NAISSANCE D'IGOR

Donc je vais naître.

Je me souviens que j'étais un astronaute. Je me souviens que j'étais désespéré.


Nous voilà auprès d'Igor maintenant. Lui aussi est nerveux. Il se remémore sa vie antérieure et les trauma-tismes subis. J'accours et, aussitôt, lui applique la marque des anges. «Chut, oublie le passé.» Il refuse de se calmer. J'appuie plus fort et tant pis si sa gouttière sera profonde. Il retrouve enfin un peu de tranquillité.


Ma mère vient de s'écrouler dans la rue. Depuis le temps qu'elle niait les symptômes, il fallait s'y attendre. Nausées. Vertiges. À chaque fois, je recevais des coups en guise de punition. Comme si c'était ma faute!

Cette fois, elle a perdu les eaux, je me retrouve tout au sec et, par-dessus le marché, elle s'est évanouie.

Des gens l'ont ramassée. Ils se sont récriés et puis quelqu'un a dit que cette dame devait être enceinte. Un autre s'est exclamé qu'il fallait l'emmener d'urgence à l'hôpital.

– Ça va mieux, annonce maman en reprenant ses esprits, ce n'est juste qu'un évanouissement dû à l'alcool.

Heureusement, ils ne l'ont pas écoutée.

L'établissement est loin. La voiture roule vite. Je le devine aux cahots.

– Respirez lentement, conseille une voix féminine.

– Ce n'est rien, je veux rentrer chez moi, répète maman.

Je commence à suffoquer là-dedans. Je vais mourir, et alors elle aura gagné. Les contractions commencent. Il était temps. Le couple d'automobilistes, je sais que c'est un couple puisque alternent voix d'homme et voix de femme, s'affole. La voiture accélère encore. Les secousses augmentent et les contractions aussi. Je me place en position.


ALLEZ-Y. JE SUIS PRÊT.


– J'ignore comment m'y prendre, soupire l'homme à sa compagne. Je n'ai jamais accouché quiconque, je suis boulanger.

Alors, imagine que tu sors un pain du four, grand dégourdi!

– Il va mourir, il va mourir, se lamente l'homme.

Mais c'est compter sans moi. En dépit de ma génitrice hostile et de ces deux incapables, j'ai envie de vivre et je vivrai.

Par ici la sortie: «Exit.»

Je sors entièrement ma tête. C'était le plus dur. J'ouvre les yeux et ne vois plus rien. Tout est flou.

– Enveloppe-le dans ta veste, ordonne la dame.

Bon, j'ai réussi le plus difficile. Je suis né. La suite devrait être plus aisée.

– J'ai bien cru que nous n'y arriverions jamais. Je ne savais pas qu'un accouchement pouvait être aussi dur.

–On oublie vite, me réconforte Raoul. Mais tu as vu, j'ai bien fait de venir. On n'était pas trop de deux pour influencer les autres automobilistes et éviter que la voiture n'ait un accident.

– Ils sont assez touchants…

– Tu parles… ce sont des monstres, ouais! Et le cauchemar ne fait que commencer. À présent, tu vas connaître le pire.

– Quoi donc?

Raoul prend un air navré.

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