Читаем L'Empire des anges полностью

Contre une arme blanche, mes jolis poings ne servent à rien. Nous restons les bras ballants tandis que Piotr ordonne à ses acolytes de nous déshabiller et de mettre le feu à nos vêtements. Il annonce qu'à partir de maintenant, quand nous volerons des cigarettes, nous devrons leur en donner la moitié, sinon il y aura encore des représailles.

– Si vous voulez la paix, les petits, vous n'avez qu'à payer.

Puis il se tourne vers moi, joue de la pointe du couteau autour de mon nombril et proclame:

– Toi, un jour, je t'arrangerai le portrait.

Je ne peux rien faire contre son couteau. Nous passons nus devant les autres enfants. L'histoire a vite fait le tour de l'orphelinat et nous savons que nous avons perdu la face.

Dehors il neige, c'est la période des fêtes, mais ici personne ne croit au Père Noël. Si le Père Noël existait, il nous aurait apporté des parents qui nous auraient gardés. Quand même, pour la Noël, nous avons droit chacun à une orange et à des osselets en véritables vertèbres de mouton mal nettoyées. J'épluche mon orange et je fais un vœu. Si un Père Noël m'écoute quelque part: «que Piotr reçoive un bon coup de couteau dans le bide».

<p>48. VENUS. 7 ANS</p>

Cette nuit j'ai fait un drôle de rêve. J'ai rêvé que des enfants se battaient et que l'un d'eux se tournait vers moi et me lançait: «Toi, un jour, je t'arrangerai le portrait.»

J'ai regardé hier soir à la télévision une émission sur la chirurgie esthétique. C'est sans doute ce qui a provoqué ce cauchemar. On y expliquait précisément comment on arrangeait le portrait. Maman était littéralement rivée à l'écran. D'habitude quand il y a du sang à la télé, mes parents m'obligent à aller me coucher, mais là ils étaient tellement fascinés qu'ils ont oublié de le faire.

Maman a déclaré qu'elle aimerait bien elle aussi passer sur la table d'opération pour se faire remodeler le visage. Elle a dit qu'il vaut mieux ne pas trop attendre, plus on est jeune meilleur est le résultat.

Papa a rétorqué que l'opération coûtait beaucoup trop cher, mais maman a répondu que la beauté n'a pas de prix, surtout quand elle constitue un capital professionnel. Papa a déclaré que, pour lui aussi, son physique était un atout indispensable mais qu'il préférait l'entretenir et raffermir ses chairs par le sport plutôt que par le bistouri.

Papa a reproché à maman de se laisser aller et d'être trop dépensière. Après, il a voulu lui donner un bisou mais maman l'a repoussé. Elle a dit qu'il ne la regardait plus, sinon, il aurait vu ses rides et il lui aurait lui-même proposé d'y remédier. Elle a dit qu'une femme n'est jamais parfaite et qu'à partir d'un certain âge elle est responsable de son visage.

C'est vrai, ça? La beauté n'est donc pas un trésor acquis une fois pour toutes?

Ils se sont disputés. Maman a reproché à papa de fréquenter une poule plus jeune qu'elle. Pourtant, je n'ai jamais remarqué le moindre oiseau dans l'appartement. Papa a déclaré qu'il n'avait pas de poule, qu'il en avait par-dessus la tête de ses soupçons. Maman a riposté que, de toute façon, toute femme a le droit de prendre soin de son physique et que, s'il refusait de lui payer l'opération, elle ne se gênerait pas pour tirer un chèque sur leur compte commun.

Papa a dit: «Tu n'as pas intérêt à faire ça.» Ils ont prononcé la phrase rituelle: «Pas devant la petite», et après, ils sont allés dans leur chambre. Ils ont continué à crier. Des objets se sont brisés par terre ou contre les murs. Et puis c'a été le silence.

Il y a beaucoup de choses que je trouve bizarres dans le comportement des adultes. Je suis restée encore un peu devant la télévision pour regarder la suite du magazine.

Après, dans ma chambre, comme souvent le soir, je me suis assise devant le miroir et j'ai réfléchi. Si maman a besoin de la chirurgie esthétique pour être encore plus belle, alors moi aussi.

Que changer pour être encore plus belle? Je scrute mon visage dans la glace et je trouve: le nez.

J'ai le nez trop long. Père Noël, si vous m'écoutez,, voilà mon vœu le plus cher: une opération esthétique pour raccourcir mon nez.

<p>49. JACQUES. 7 ANS</p>

– Arrêtez de poser des questions, Nemrod.

– Mais…

– Vous m'énervez, Nemrod. Contentez-vous d'apprendre la leçon et puis c'est tout. C'est toujours dans la lune et ça ne sait que poser des questions. Moi ce que je veux, c'est des réponses.

Ricanements dans la classe. Je baisse la tête. Je suis malheureux à l'école. L'instit nous demande toujours d'apprendre des trucs par cœur et je n'ai pas de mémoire. Je fais mille efforts pour retenir cette année les tables d'addition et de soustraction. Au CP, j'ai eu un mal fou à apprendre l'alphabet et à écrire mon nom et mon adresse. Impossible de retenir mes conjugaisons. Je n'arrive même pas à mémoriser le code d'entrée de ma propre maison. Combien de fois ai-je essayé en vain, dehors, dans le froid, des combinaisons de chiffres?

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