« Eh bien, mon idée est faite, de toute manière. Je veux voir à nouveau des montagnes, Gandalf – des
Gandalf rit. « J’espère qu’il le fera. Mais personne ne lira votre livre, peu importe comment il finit. »
« Oh, peut-être le liront-ils, d’ici quelques années. Frodo en a déjà lu une partie, pour ce que j’en ai écrit. Vous garderez un œil sur lui, n’est-ce pas ? »
« Oui, deux yeux, chaque fois qu’ils ne seront pas tournés ailleurs. »
« Il m’accompagnerait, bien sûr, si je le lui demandais. En fait, il me l’a offert une fois, juste avant la fête. Mais il ne le souhaite pas vraiment, pas encore. Moi, je veux revoir les terres sauvages avant de mourir, et les Montagnes ; mais lui est encore amoureux du Comté – ses forêts, ses champs, ses petites rivières. Il devrait être à son aise, ici. Je lui laisse tout, évidemment, sauf quelques babioles. J’espère qu’il sera heureux, quand il se sera habitué à vivre seul. Il est temps qu’il devienne son propre maître. »
« Tout ? demanda Gandalf. L’anneau également ? Vous y avez consenti, rappelez-vous. »
« Oui, euh, oui, je suppose », balbutia Bilbo.
« Où est-il ? »
« Dans une enveloppe, puisque vous tenez à le savoir, répondit Bilbo avec impatience. Là, sur la cheminée. Enfin, non ! Il est ici dans ma poche ! » Il hésita. « N’est-ce pas étrange ? se dit-il à voix basse. Et puis après tout, pourquoi pas ? Pourquoi n’y resterait-il pas ? »
Gandalf l’observa de nouveau très attentivement, et une lueur parut dans ses yeux. « Je pense, Bilbo, que je le laisserais derrière, dit-il doucement. Ne voulez-vous pas le laisser ? »
« Eh bien, oui… et non. Maintenant que nous y sommes, je n’ai pas du tout envie de m’en séparer, je dois dire. Et je ne vois pas vraiment pour quelle raison je le ferais. Pourquoi voulez-vous que je le fasse ? » demanda-t-il ; et sa voix changea de manière plutôt curieuse, devenant lourde de suspicion et de mécontentement. « Vous êtes toujours à m’asticoter au sujet de mon anneau ; mais vous ne m’avez jamais embêté avec les autres objets que j’ai rapportés de mon voyage. »
« Non, mais j’ai été obligé de vous asticoter, dit Gandalf. Je voulais la vérité. C’était très important. Les anneaux magiques sont… eh bien, magiques ; et ce sont de rares et curieux objets. J’avais un intérêt professionnel pour votre anneau, disons, et je l’ai toujours. J’aimerais savoir où il se trouve, si vous partez de nouveau à l’aventure. Je pense aussi que cela fait bien assez longtemps que
Bilbo s’empourpra, et une lueur de colère parut dans ses yeux. Son visage bienveillant se durcit. « Pourquoi pas ? s’écria-t-il. Et en quoi ça vous regarde, hein, de savoir ce que je fais de mes propres affaires ? Il est à moi. Je l’ai trouvé. Il est venu à moi. »
« Oui, oui, dit Gandalf. Mais il n’y a pas lieu de vous mettre en colère. »
« Si je le suis, c’est de votre faute, dit Bilbo. Il est à moi, que je vous dis. À moi. Mon Trésor. Oui, mon Trésor. »
La figure du magicien demeurait grave et attentive ; seule une lueur tremblotante dans ses yeux profonds trahissait sa surprise et même son alarme. « Quelqu’un l’a déjà appelé ainsi, dit-il, mais pas vous. »
« Mais je le dis, maintenant. Et pourquoi pas ? Même si Gollum a déjà dit la même chose. Il n’est plus à lui, mais à moi. Et je vais le garder, je vous dis. »
Gandalf se leva. Il prit un ton sévère. « Vous seriez fou d’agir ainsi, Bilbo, dit-il. Vous en faites la démonstration chaque fois que vous ouvrez la bouche. Son emprise sur vous est beaucoup trop forte. Laissez-le partir ! Alors vous pourrez vous-même partir, et être libre. »
« Je fais ce que je veux et je pars comme je l’entends ! » s’obstina Bilbo.
« Allons, allons, mon cher hobbit ! dit Gandalf. Toute votre longue existence, nous avons été amis ; et vous me devez quelque chose. Allons donc ! Faites ce que vous avez promis : renoncez-y ! »
« Eh bien, si vous voulez mon anneau pour vous-même, dites-le ! s’écria Bilbo. Mais vous ne l’aurez pas. Je ne renoncerai pas à mon trésor, que je vous dis. » Sa main s’égara sur le manche de sa petite épée.
Les yeux de Gandalf jetèrent des éclairs. « Ce sera bientôt à moi de me mettre en colère, dit-il. Si vous répétez cela, je le serai. Vous verrez alors Gandalf le Gris à visage découvert. » Il fit un pas en direction du hobbit et parut grandir, se dressant de façon menaçante ; son ombre emplit toute la petite pièce.