Читаем La planète des singes полностью

Quand le repas fut terminé, le chef d’équipe et ses aides entreprirent de modifier la composition du convoi, en transférant certains prisonniers d’une cage dans une autre. Ils semblaient effectuer une sorte de tri, dont le critère m’échappait. Me trouvant finalement placé dans un groupe d’hommes et de femmes de fort belle allure, je m’efforçai de me persuader qu’il s’agissait des sujets les plus remarquables, éprouvant une consolation amère à penser que les singes, au premier coup d’oeil, m’avaient jugé digne de figurer parmi une élite.

J’eus la surprise et l’immense joie de reconnaître Nova parmi mes nouveaux compagnons. Elle avait échappé au massacre et j’en remerciai le ciel de Bételgeuse. C’est en songeant à elle surtout que j’avais examiné longuement les victimes, tremblant à chaque instant de découvrir son admirable forme dans le tas de cadavres. J’avais l’impression de retrouver un être cher et, perdant de nouveau la tête, je me précipitai vers elle en lui ouvrant mes bras. C’était pure folie ; mon geste la terrorisa. Avait-elle donc oublié notre intimité de la nuit ? Un physique aussi merveilleux n’était-il animé par aucune âme ? Je me sentis accablé en la voyant se contracter à mon approche, les mains crispées comme pour m’étrangler, ce qu’elle eût probablement fait si j’avais insisté.

Pourtant, comme je m’étais immobilisé, elle se calma assez vite. Elle s’allongea dans un coin de la cage et je l’imitai en soupirant. Tous les autres prisonniers avaient fait de même. Ils paraissaient maintenant las, prostrés et résignés à leur sort.

Au-dehors, les singes préparaient le départ du convoi. Une bâche fut tendue au-dessus de notre cage et rabattue jusqu’à mi-hauteur des parois, laissant passer le jour. Des ordres furent criés ; les moteurs mis en marche. Je me trouvai emporté à grande allure vers une destination inconnue, angoissé à la pensée des nouvelles tribulations qui m’attendaient sur la planète Soror.

XI

J’étais anéanti. Les événements de ces deux journées avaient brisé mon corps et plongé mon esprit dans un désarroi si profond que j’avais été incapable jusqu’alors de déplorer la perte de mes camarades et même de me représenter d’une manière concrète tout ce qu’impliquait pour moi la détérioration de la chaloupe. J’accueillis avec soulagement la pénombre, puis l’isolement dans l’obscurité presque totale qui suivit, car le soir tomba très vite et nous roulâmes toute la nuit. Je m’ingéniais à chercher un sens aux événements dont j’avais été le témoin. J’avais besoin de ce travail intellectuel pour échapper au désespoir qui me guettait, pour me prouver que j’étais un homme, je veux dire un homme de la Terre, une créature raisonnable, habituée à découvrir une explication logique aux caprices en apparence miraculeux de la nature, et non une bête traquée par des singes évolués.

Je repassai dans ma tête toutes mes observations, souvent enregistrées à mon insu. Une impression générale les dominait toutes : ces singes, mâles et femelles, gorilles et chimpanzés, n’étaient en aucune façon ridicules. J’ai déjà mentionné qu’ils ne m’étaient jamais apparus comme des animaux déguisés, comme les singes savants qu’on montre dans nos cirques. Sur Terre, un chapeau sur la tête d’une guenon est un spectacle hilarant pour certains, pour moi pénible. Rien de tel ici. Le chapeau et la tête étaient en harmonie et il n’y avait rien que de très naturel dans tous leurs gestes. La guenon qui buvait dans un verre avec une paille avait l’air d’une dame. Je me rappelai aussi avoir vu un des chasseurs sortir une pipe de sa poche, la bourrer avec méthode et l’allumer. Eh bien, rien dans cet acte n’avait choqué mon instinct, tant ses mouvements étaient routiniers. J’avais eu besoin de réfléchir pour conclure au paradoxe. Je méditai longuement sur ce point et, pour la première fois peut-être depuis ma capture, je déplorai la disparition du professeur Antelle. Sa sagesse et sa science auraient sans doute pu découvrir une explication à ces paradoxes. Qu’était-il devenu ? J’étais certain qu’il ne figurait pas dans le tableau des pièces abattues. Se trouvait-il parmi les prisonniers ? Ce n’était pas impossible ; je ne les avais pas tous vus. Je n’osais espérer qu’il eût réussi à conserver sa liberté.

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