Читаем La planète des singes полностью

Avec mes faibles ressources, je tentai d’échafauder une hypothèse qui, en vérité, ne me satisfit pas beaucoup. Peut-être les habitants de cette planète, les êtres civilisés dont nous avions aperçu les villes, peut-être étaient-ils arrivés à dresser des singes de façon à en obtenir un comportement plus ou moins raisonnable ; cela, après une sélection patiente et des efforts portant sur plusieurs générations ? Après tout, sur Terre, certains chimpanzés parviennent à exécuter des tours étonnants. Le fait même qu’ils eussent un langage n’était peut-être pas aussi extravagant que je l’avais cru. Je me rappelais maintenant une discussion sur ce sujet avec un spécialiste. Il m’avait appris que de graves savants passaient une partie de leur existence à essayer de faire parler des primates. Ils prétendaient que rien dans la conformation de ces bêtes ne s’y opposait. Jusqu’alors, tous leurs efforts avaient été vains, mais ils persévéraient, soutenant que le seul obstacle tenait à ce que les singes ne voulaient pas parler. Peut-être, un jour avaient-ils voulu, sur la planète Soror ? Cela permettait à ces habitants hypothétiques de les utiliser pour certaines besognes grossières, comme cette chasse au cours de laquelle j’avais été capturé.

Je me raccrochais avec acharnement à cette explication, répugnant avec épouvante à en imaginer une autre, plus simple, tant il me semblait indispensable pour mon salut qu’il existât sur cette planète de véritables créatures conscientes, c’est-à-dire des hommes, des hommes comme moi, avec lesquels je pourrais m’expliquer.

Des hommes ! A quelle race appartenaient donc les êtres que les singes abattaient et capturaient ? Des peuplades arriérées ? Si cela était, quelle cruauté chez les maîtres de cette planète pour tolérer et peut-être ordonner ces massacres !

Je fus distrait de ces pensées par une forme qui s’approchait de moi en rampant. C’était Nova. Autour de moi, tous les prisonniers s’étaient couchés par groupes sur le plancher. Après quelques hésitations, elle se pelotonna contre moi, comme la veille. J’essayai vainement, encore une fois, de découvrir dans son regard la flamme qui eût donné à son geste la valeur d’un élan amical. Elle détourna la tête et ferma bientôt les yeux. Malgré cela, je fus réconforté par sa simple présence et je finis par m’endormir contre elle, en essayant de ne pas penser au lendemain.

XII

Je réussis à dormir jusqu’au jour, par un réflexe de défense contre des velléités de pensées trop accablantes. Mon sommeil fut cependant coupé de cauchemars fiévreux, où le corps de Nova m’apparaissait comme celui d’un monstrueux serpent enroulé autour du mien. J’ouvris les yeux au matin. Elle était déjà éveillée. Elle s’était un peu écartée de moi et m’observait de son regard éternellement perplexe.

Notre véhicule ralentit et je m’aperçus que nous pénétrions dans une ville. Les prisonniers s’étaient levés et se tenaient accroupis contre les grilles, regardant par-dessous la bâche un spectacle qui semblait réveiller leur émoi de la veille. Je les imitai ; je collai mon visage contre les barreaux et contemplai pour la première fois une cité civilisée de la planète Soror.

Nous roulions dans une rue assez large, bordée de trottoirs. J’examinai anxieusement les passants : c’étaient des singes. Je vis un commerçant, une sorte d’épicier, qui venait de relever le rideau de sa boutique et se retournait avec curiosité pour nous voir passer : c’était un singe. Je tentai de distinguer les passagers et le chauffeur des voitures automobiles qui nous dépassaient : ils étaient habillés à la mode de chez nous et c’étaient des singes.

Mon espoir de découvrir une race humaine civilisée devenait chimérique et je vécus la fin du trajet dans un morne découragement. Notre chariot ralentit encore. Je remarquai alors que le convoi s’était disloqué pendant la nuit, car il ne comportait plus que deux véhicules, les autres ayant dû prendre une autre direction. Après avoir franchi une porte cochère, nous nous arrêtâmes dans une cour. Des singes nous entourèrent aussitôt et s’employèrent à calmer l’agitation grandissante des prisonniers par quelques coups de pique.

La cour était entourée de bâtiments à plusieurs étages, avec des rangées de fenêtres toutes semblables. L’ensemble suggérait un hôpital et cette impression fut confirmée par la venue des nouveaux personnages qui s’avançaient à la rencontre de nos gardiens. Ils portaient tous une blouse blanche et un petit calot, comme des infirmiers : c’étaient des singes.

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