Читаем La planète des singes полностью

Nous quittâmes tous trois le cabaret et nous nous rendîmes au jardin. Le directeur, réveillé, s’empressa. Il connaissait mon histoire. Cornélius lui apprit la véritable identité d’un des hommes qu’il détenait dans une cage. Il n’en pouvait croire ses oreilles mais ne voulait rien me refuser, lui non plus. Il faudrait évidemment attendre le jour et remplir quelques formalités pour qu’il pût libérer le professeur, mais rien ne s’opposait à notre entretien immédiat. Il s’offrit à nous accompagner.

Le jour se levait quand nous arrivâmes devant la cage où l’infortuné savant vivait comme une bête, au milieu d’une cinquantaine d’hommes et de femmes. Ceux-ci dormaient encore, assemblés par couples ou par groupes de quatre ou cinq. Ils ouvrirent les yeux dès que le directeur donna de la lumière.

Je ne fus pas long à découvrir mon compagnon. Il était allongé sur le sol comme les autres, recroquevillé contre le corps d’une fille, assez jeune, me sembla-t-il. Je frémis en le voyant ainsi et m’attendris par la même occasion sur l’abjection à laquelle j’avais été, moi aussi, réduit pendant quatre mois.

J’étais si bouleversé que je ne pouvais parler. Les hommes, à présent éveillés, ne manifestaient guère de surprise. Ils étaient apprivoisés et bien dressés ; ils commencèrent à exécuter leurs tours habituels, dans l’espoir de quelque récompense. Le directeur leur jeta des débris de gâteau. Il y eut aussitôt des bousculades et des bagarres comme dans la journée, tandis que les plus sages prenaient leur position favorite, accroupis près de la grille, tendant une main implorante.

Le professeur Antelle imita ceux-ci. Il s’approcha aussi près que possible du directeur et mendia une friandise. Ce comportement indigne me causa un malaise profond, qui se transforma bientôt en une angoisse insupportable. Il était à trois pas de moi ; il me regardait et ne semblait pas me reconnaître. En vérité, son oeil, si vivifiant autrefois, avait perdu toute flamme et suggérait le même néant spirituel que celui des autres captifs. Je n’y découvrais avec terreur qu’un peu d’émoi, le même, exactement le même que suscitait la présence d’un homme habillé parmi les captifs.

Je fis un violent effort et réussis enfin à parler pour dissiper ce cauchemar.

« Professeur, dis-je, maître, c’est moi, Ulysse Mérou. Nous sommes sauvés. Je suis venu vous l’annoncer…»

Je m’arrêtai, interdit. Au son de ma voix, il avait eu le même réflexe que les hommes de la planète Soror. Il avait brusquement tendu le cou et esquissé un pas de retraite.

« Professeur, professeur Antelle, insistai-je, éploré ; c’est moi, moi, Ulysse Mérou, votre compagnon de voyage. Je suis libre et dans quelques heures vous le serez aussi. Les singes que vous voyez là sont nos amis. Ils savent qui nous sommes et nous accueillent comme des frères. »

Il ne répondit pas une parole. Il ne manifesta pas la moindre compréhension ; mais, d’un nouveau mouvement furtif, semblable à celui d’une bête apeurée, il se recula un peu plus.

J’étais désespéré et les singes paraissaient fort intrigués. Cornélius fronçait le sourcil, comme lorsqu’il cherchait la solution d’un problème. Il me vint à l’esprit que le professeur, effrayé par leur présence, pouvait fort bien simuler l’inconscience. Je leur demandai de s’éloigner et de me laisser seul avec lui, ce qu’ils firent de bonne grâce. Quand ils eurent disparu, je tournai autour de la cage, pour m’approcher du point où le savant s’était réfugié et je lui parlai de nouveau.

« Maître, implorai-je, je comprends votre prudence. Je sais à quoi s’exposent les hommes de la Terre sur cette planète. Mais nous sommes seuls, je vous le jure, et vos épreuves sont terminées. C’est moi qui vous le dis, moi, votre compagnon, votre disciple, votre ami, moi, Ulysse Mérou. »

Il fit encore un saut en arrière, me lançant des regards furtifs. Alors, comme je restais là, tremblant, ne sachant plus par quels mots le toucher, sa bouche s’entrouvrit.

Avais-je enfin réussi à le convaincre ? Je le regardai, haletant d’espoir. Mais je restai muet d’horreur devant le genre de manifestation qui traduisit son émoi. J’ai dit que sa bouche s’était entrouverte ; mais ce n’était pas là le geste volontaire d’une créature qui s’apprête à parler. Il en sortit un son de gorge semblable à ceux qu’émettaient les étranges hommes de cette planète, pour exprimer la satisfaction ou la peur. Là, devant moi, sans remuer les lèvres, tandis que l’épouvante me glaçait le coeur, le professeur Antelle poussa un long ululement.

TROISIEME PARTIE

I

Je me réveillai de bonne heure, après un sommeil agité. Je me retournai trois ou quatre fois dans mon lit et me frottai les yeux avant de reprendre conscience, encore mal habitué à la vie de civilisé que je menais depuis un mois, inquiet, chaque matin, de ne pas entendre craquer la paille et de ne pas sentir le chaud contact de Nova.

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