Читаем La planète des singes полностью

— Je sais, je sais, interrompit-il avec lassitude. Nous avons discuté de tout cela. Nous pénétrons maintenant les secrets que vous avez découverts il y a quelques siècles… Et ce ne sont pas seulement vos déclarations qui m’agitent, continua-t-il en se mettant à arpenter nerveusement le petit salon. Je suis depuis longtemps harcelé par l’intuition – une intuition étayée par certains indices concrets – que ces secrets, ici même, sur notre planète, d’autres intelligences en ont possédé la clé dans un passé lointain. »

J’aurais pu lui répondre que cette impression de redécouverte avait aussi affecté certains esprits de la Terre. Peut-être même était-elle universellement répandue et peut-être servait-elle de base à notre croyance en un Dieu. Mais je me gardai de l’interrompre. Il suivait une pensée encore confuse, qu’il exprimait d’une manière très réticente.

« Des intelligences, répéta-t-il pensivement et qui, peut-être, n’étaient pas…»

Il s’interrompit brusquement. Il avait l’air malheureux, comme tourmenté par la perception d’une vérité que son esprit répugnait à admettre.

« Vous m’avez bien dit aussi que les singes possèdent chez vous un esprit d’imitation très développé ?

— Ils nous imitent dans tout ce que nous faisons, je veux dire dans tous les actes qui ne demandent pas un véritable raisonnement. C’est au point que le verbe singer est, pour nous, synonyme d’imiter.

— Zira, murmura Cornélius avec une sorte d’accablement, n’est-ce pas cet esprit de singerie qui nous caractérise, nous aussi ? »

Sans laisser à Zira le temps de protester, il poursuivit avec animation :

« Cela commence dès notre enfance. Tout notre enseignement est basé sur l’imitation.

— Ce sont les orang-outans…

— Eh ! ils ont une importance capitale, puisque ce sont eux qui forment la jeunesse par leurs livres. Ils obligent l’enfant singe à répéter toutes les erreurs de ses ancêtres. Cela explique la lenteur de nos progrès. Depuis dix mille ans, nous restons semblables à nous-mêmes. »

Cette lenteur du développement chez les singes mérite quelques commentaires. J’en avais été frappé en étudiant leur histoire, sentant là des différences importantes avec l’essor de l’esprit humain. Certes, nous avons connu, nous aussi, une ère de quasi-stagnation. Nous avons eu nos orangs-outans, notre enseignement faussé, nos programmes ridicules et cette période a duré fort longtemps.

Pas aussi longtemps, toutefois, que chez les singes et surtout, pas au même stade de l’évolution. L’âge obscur que déplorait le chimpanzé s’était étendu sur environ dix mille années. Pendant cette ère, aucun progrès notable n’avait été réalisé, sauf, peut-être, durant le dernier demi-siècle. Mais ce qui était extrêmement curieux pour moi, c’est que leurs premières légendes, leurs premières chroniques, leurs premiers souvenirs témoignaient d’une civilisation déjà très avancée, à peu près semblable, en fait, à celle d’aujourd’hui. Ces documents, vieux de dix mille ans, apportaient la preuve d’une connaissance générale et de réalisations comparables à la connaissance et aux réalisations actuelles ; et, avant eux, c’était l’obscurité complète : aucune tradition orale ni écrite, aucun indice. En résumé, il semblait que la civilisation simienne eût fait une apparition miraculeuse, d’un seul coup, dix mille ans auparavant, et qu’elle se fût conservée depuis, à peu près sans modification. Le singe moyen avait été accoutumé à trouver ce fait naturel, n’imaginant pas un état de conscience différent, mais un esprit subtil comme Cornélius sentait là une énigme et en était tourmenté.

« Il y a des singes capables de création originale, protesta Zira.

— Certes, admit Cornélius ; c’est vrai, depuis quelques années surtout. A la longue, l’esprit peut s’incarner dans le geste. Il le doit, même ; c’est le cours naturel de l’évolution… Mais ce que je cherche avec passion, Zira, ce que je veux trouver, c’est comment tout cela a commencé… Aujourd’hui, il ne me paraît pas impossible que ce soit par une simple imitation, à l’origine de notre ère.

— Imitation de quoi, de qui ? »

Il avait repris ses manières réticentes, baissa les yeux, comme regrettant d’en avoir trop dit.

« Je ne peux pas encore conclure, dit-il enfin. Il me faut des preuves. Peut-être les trouverons-nous dans les ruines de la cité ensevelie. D’après les rapports, elle existait il y a beaucoup plus de dix mille années, à une époque dont nous ignorons tout. »

III

Cornélius ne m’en a pas dit davantage et il semble qu’il répugne à le faire, mais ce que j’entrevois déjà dans ses théories me plonge dans une singulière exaltation.

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