Читаем La planète des singes полностью

Zira me conduit vers un petit bâtiment isolé, dont elle possède seule la clé. La salle où elle me fait pénétrer n’est pas grande. Il n’y a que trois cages et deux sont vides. Nova occupe la troisième. Elle nous a entendus venir et son instinct l’a avertie de ma présence, car elle s’est levée et a tendu les bras avant de m’avoir vu. Je lui serre les mains et frotte mon visage contre le sien. Zira hausse les épaules d’un air dédaigneux, mais elle me donne la clé de la cage et va faire le guet dans le couloir. Quelle belle âme possède cette guenon ! Quelle femme serait capable d’une telle délicatesse ? Elle a deviné que nous avions des tas de choses à nous dire et nous laisse seuls.

Des choses à nous dire ? Hélas ! j’ai encore oublié la misérable condition de Nova. Je me suis précipité dans la cage ; je l’ai serrée dans mes bras ; je lui ai parlé comme si elle pouvait me comprendre, comme j’aurais parlé à Zira, par exemple.

Ne comprend-elle pas ? N’a-t-elle pas au moins une intuition confuse de la mission qui nous est impartie, à tous deux dorénavant, à elle comme à moi ?

Je me suis allongé sur la paille à son côté. J’ai palpé le fruit naissant de nos amours insolites. Il me semble tout de même que sa situation actuelle lui a conféré une personnalité et une dignité qu’elle n’avait pas autrefois. Elle tressaille quand je promène mes doigts sur son ventre. Son regard a acquis une intensité nouvelle, c’est certain. Soudain, elle bredouille péniblement les syllabes de mon nom, que je lui avais appris à articuler. Elle n’a pas oublié mes leçons. Je suis inondé de joie. Mais son oeil redevient terne et elle se détourne pour dévorer les fruits que je lui ai apportés.

Zira revient ; il est temps de nous séparer. Je sors avec elle. Me sentant désemparé, elle me raccompagne jusqu’à mon appartement, où je me mets à pleurer comme un enfant.

« Oh, Zira, Zira ! »

Tandis qu’elle me dorlote comme une mère, je commence à lui parler, à lui parler avec tendresse, sans répit, me délivrant enfin du flot de sentiments et de pensées que Nova ne peut apprécier.

VII

Admirable guenon ! Grâce à elle, je pus voir Nova assez souvent pendant cette période, à l’insu des autorités. Je passai des heures à guetter la flamme intermittente de son regard et les semaines s’écoulaient dans l’attente impatiente de la naissance.

Un jour, Cornélius se décida à me faire visiter la section encéphalique dont il m’avait dit des merveilles. Il me présenta au directeur du service, ce jeune chimpanzé nommé Hélius, dont il m’avait vanté le génie, et s’excusa de ne pouvoir m’accompagner lui-même à cause d’un travail urgent.

« Je reviendrai dans une heure pour vous montrer moi-même la perle de ces expériences, dit-il, celle qui apporte les preuves dont je vous ai parlé. En attendant, je suis certain que vous serez intéressé par les cas classiques. »

Hélius me fit pénétrer dans une salle semblable à toutes celles de l’Institut, garnie de deux rangées de cages. Je fus frappé en entrant par une odeur pharmaceutique rappelant celle du chloroforme. Il s’agissait, en effet, d’un anesthésique. Toutes les opérations chirurgicales, m’apprit mon guide, étaient maintenant exécutées sur des sujets endormis. Il insista beaucoup sur ce point, prouvant le haut degré atteint par la civilisation simienne, qui avait le souci de supprimer toute souffrance inutile, même chez des hommes. Je pouvais donc être rassuré.

Je ne l’étais qu’à moitié. Je le fus encore moins quand il conclut en mentionnant une exception à cette règle, le cas, précisément, des expériences ayant pour but d’étudier la souffrance et de localiser les centres nerveux où elle prend naissance. Mais je ne devais pas en voir aujourd’hui.

Ceci n’était pas de nature à apaiser ma sensibilité humaine. Je me rappelai que Zira avait essayé de me dissuader de visiter cette section, où elle ne venait elle-même que lorsqu’elle y était obligée. J’eus envie de faire demi-tour, mais Hélius ne m’en laissa pas le temps.

« Si vous désirez assister à une opération, vous constaterez par vous-même que le patient ne souffre pas. Non ? Alors, allons voir les résultats. »

Laissant de côté la cellule fermée d’où émanait l’odeur, il m’entraîna vers les cages. Dans la première, je vis un jeune homme d’assez belle apparence, mais d’une maigreur extrême. Il était à demi étendu sur sa litière. Devant lui, presque sous son nez, on avait déposé une écuelle contenant une bouillie de céréales sucrées, dont tous les hommes étaient friands. Il la contemplait d’un oeil hébété, sans faire le moindre geste.

« Voyez, me dit le directeur. Ce garçon est affamé ; il n’a pas mangé depuis vingt-quatre heures. Cependant, il ne réagit pas en présence de sa nourriture favorite. C’est le résultat de l’ablation d’une partie du cerveau antérieur, pratiquée sur lui il y a quelques mois. Depuis, il est toujours dans le même état et il faut l’alimenter de force. Observez sa maigreur. »

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