Читаем La planète des singes полностью

« C’est vrai, dit-il. J’ai promis à Zira de vous aider à fuir et je le ferai, même si je dois y perdre ma situation. J’ai conscience ainsi de ne pas manquer à mon devoir de singe. Si un danger nous menace, il sera aussi bien écarté par votre retour, sur la Terre… Vous m’avez dit, autrefois, que votre vaisseau spatial était intact et qu’il pourrait vous ramener chez vous ?

— Sans aucun doute. Il contient assez de carburant, d’oxygène et de vivres pour nous conduire au fond de l’univers. Mais comment le rejoindre ?

— Il gravite toujours autour de notre planète. Un astronome de mes amis l’a repéré et connaît tous les éléments de sa trajectoire. Quant au moyen de le rejoindre ?… Écoutez-moi. Dans dix jours, exactement, nous devons lancer un satellite artificiel habité, par des hommes bien entendu, sur lesquels nous désirons expérimenter l’influence de certains rayonnements… Ne m’interrompez pas ! Il a été prévu que les passagers seront au nombre de trois : un homme, une femme et un enfant. »

Je saisis son dessein en un éclair et en apprécie l’ingéniosité, mais que d’obstacles !

« Certains savants responsables de ce lancement sont des amis à moi et je les ai gagnés à votre cause. Le satellite sera placé sur la trajectoire de votre vaisseau et il sera dirigeable dans une certaine mesure. Le couple d’humains a été entraîné à effectuer quelques manoeuvres, au moyen de réflexes conditionnés. Je pense que vous serez encore plus habile qu’eux… Car tel est notre plan : vous substituer tous trois aux passagers. Cela ne sera pas très difficile. Je vous l’ai dit, j’ai déjà les complicités essentielles : l’assassinat répugne aux chimpanzés. Les autres ne s’apercevront même pas du tour joué. »

C’est bien probable, en effet. Pour la plupart des singes, un homme est un homme et rien de plus. Les différences entre un individu et un autre ne les frappent pas.

« Je vous ferai suivre un entraînement intensif pendant ces dix jours. Croyez-vous pouvoir aborder votre vaisseau ? »

Cela doit être possible. Mais ce n’est pas aux difficultés et aux dangers que je songe en ce moment. Je ne puis me défendre contre la vague de mélancolie qui m’a assailli tout à l’heure, à la pensée de quitter la planète Soror, Zira et mes frères, oui, mes frères humains. Vis-à-vis de ceux-ci, je me fais un peu l’effet d’un déserteur. Pourtant, il faut avant tout sauver mon fils et Nova. Mais je reviendrai. Oui, plus tard, j’en fais le serment en évoquant les prisonniers des cages, je reviendrai avec d’autres atouts.

Je suis si éperdu que j’ai parlé tout haut.

Cornélius sourit.

— Dans quatre ou cinq ans de votre temps à vous, voyageur, mais dans plus de mille années pour nous autres sédentaires. N’oubliez pas que nous avons aussi découvert la relativité. D’ici là… j’ai discuté du risque avec mes amis chimpanzés et nous avons décidé de le prendre.

Nous nous séparons, après avoir pris rendez-vous pour le lendemain. Zira sort la première. Resté un instant seul avec lui, j’en profite pour le remercier avec effusion. Je me demande intérieurement pourquoi il fait tout cela pour moi. Il lit dans ma pensée.

« Remerciez Zira, dit-il. C’est à elle que vous devrez la vie. Seul, je ne sais pas si j’aurais pris tant de peine et couru tant de risques. Mais elle ne me pardonnerait jamais d’être complice d’un meurtre… et, d’autre part…»

Il hésite. Zira m’attend dans le couloir. Il s’assure qu’elle ne peut entendre et ajoute très vite, à voix basse :

« D’autre part, pour elle comme pour moi, il est préférable que vous disparaissiez de cette planète. »


Il a repoussé la porte. Je suis resté seul avec Zira et nous faisons quelques pas dans le couloir.

« Zira ! »

Je me suis arrêté et l’ai prise dans mes bras. Elle est aussi bouleversée que moi. Je vois une larme couler sur son mufle, tandis que nous sommes étroitement enlacés. Ah ! qu’importe cette horrible enveloppe matérielle ! C’est son âme qui communie avec la mienne. Je ferme les yeux pour ne pas voir ce faciès grotesque que l’émotion enlaidit encore. Je sens son corps difforme trembler contre le mien. Je me force à appuyer ma joue contre sa joue. Nous allons nous embrasser comme deux amants, quand elle a un sursaut instinctif et me repousse avec violence.

Alors que je reste interdit, ne sachant quelle contenance prendre, elle enfouit son museau dans ses longues pattes velues, et cette hideuse guenon me déclare avec désespoir, en éclatant en sanglots.

« Mon chéri, c’est impossible. C’est dommage, mais je ne peux pas, je ne peux pas. Tu es vraiment trop affreux ! »

XI

Le tour est joué. Je vogue de nouveau dans l’espace, à bord du vaisseau cosmique, filant comme une comète en direction du système solaire, avec une vitesse qui s’accroît à chaque seconde.

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