Читаем La planète des singes полностью

C’est en cette compagnie que je le trouve. Il a l’air heureux. Il a engraissé et paraît plus jeune. J’ai fait l’impossible pour entrer en communication avec lui. J’essaye encore aujourd’hui, sans aucun succès. Il ne s’intéresse qu’aux gâteaux que je lui tends. Quand le sac est vide, il retourne s’allonger auprès de sa compagne, qui se met à lui lécher le visage.

« Vous voyez bien que l’esprit peut se perdre, comme il peut s’acquérir », murmure quelqu’un derrière moi.

C’est Cornélius. Il me cherchait, mais non pour s’entretenir du professeur. Il a à me parler très sérieusement. Je le suis dans son bureau, où Zira nous attend. Elle a les yeux rouges, comme si elle avait pleuré. Ils semblent avoir une nouvelle grave à m’apprendre, mais aucun des deux n’ose parler.

« Mon fils ?

— Il va très bien, dit Zira précipitamment.

— Trop bien », fait Cornélius d’un air grognon.

Je sais bien que c’est un enfant superbe, mais voilà un mois que je ne l’ai vu. Les consignes ont été encore renforcées. Zira, suspecte aux autorités, est surveillée étroitement.

— Beaucoup trop bien, insiste Cornélius. Il sourit. Il pleure comme un bébé singe… et il commence à parler.

— A trois mois !

— Des mots d’enfant ; mais tout prouve qu’il parlera. En fait, il est miraculeusement précoce. »

Je me rengorge. Zira est indignée par mon air de père béat.

« Tu ne comprends donc pas que c’est une catastrophe ? Jamais les autres ne le laisseront en liberté.

— Je sais de source sûre que des décisions très importantes vont être prises à son sujet par le Grand Conseil, qui doit siéger dans quinze jours, dit lentement Cornélius.

— Des décisions graves ?

— Très graves. Il n’est pas question de le supprimer… pas pour l’instant du moins ; mais on le retirera à sa mère.

— Et moi, moi, pourrai-je le voir ?

— Vous, moins que tout autre… mais laissez-moi poursuivre, continue impérieusement le chimpanzé. Nous ne sommes pas ici pour nous lamenter, mais pour agir. Donc, j’ai des renseignements certains. Votre fils va être placé dans une sorte de forteresse, sous la surveillance des orang-outans. Oui, Zaïus intrigue depuis longtemps et il va obtenir gain de cause. »

Ici, Cornélius serra les poings avec rage et marmonna quelques injures malsonnantes. Puis il reprit :

« Remarquez que le Conseil sait très bien à quoi s’en tenir sur la valeur scientifique de ce cuistre ; mais il feint de croire qu’il est plus qualifié que moi pour étudier ce sujet exceptionnel, parce que celui-ci est considéré comme un péril pour notre race. Ils comptent sur Zaïus pour le mettre dans l’impossibilité de nuire. »

Je suis atterré. Il n’est pas possible de laisser mon fils aux mains de ce dangereux imbécile. Mais Cornélius n’a pas terminé.

« Ce n’est pas seulement l’enfant qui est menacé. » Je reste muet et regarde Zira, qui baisse la tête.

« Les orangs-outans vous détestent parce que vous êtes la preuve vivante de leurs errements scientifiques, et les gorilles vous trouvent trop dangereux pour continuer à circuler librement. Ils craignent que vous ne fassiez souche sur cette planète. Même en faisant abstraction de votre éventuelle descendance, ils ont peur que votre seul exemple ne sème la perturbation chez les hommes. Certains rapports signalent une nervosité inaccoutumée parmi ceux que vous approchez. »

C’est vrai. Au cours de ma dernière visite dans la salle des cages, je me suis aperçu d’un changement notable parmi les hommes. Il semble qu’un instinct mystérieux les ait avertis de la naissance miraculeuse. Ils ont salué ma présence par un concert de longs ululements.

« Pour tout vous dire, conclut brutalement Cornélius, j’ai bien peur que, dans quinze jours, le Conseil ne décide de vous supprimer… ou du moins de vous enlever une partie du cerveau, sous prétexte d’expériences. Quant à Nova, je pense qu’il sera décidé de la mettre hors d’état de nuire, elle aussi, parce qu’elle vous a approché de trop près. »

Ce n’est pas possible ! Moi qui m’étais cru investi d’une mission quasi divine. Je redeviens le plus misérable des êtres et me laisse aller à un affreux désespoir. Zira me met la main sur l’épaule.

« Cornélius a bien fait de ne rien te cacher de la situation. Ce qu’il ne t’a pas encore dit, c’est que nous ne t’abandonnerons pas. Nous avons décidé de vous sauver tous les trois et nous serons aidés par un petit groupe de chimpanzés courageux.

— Que puis-je faire, seul de mon espèce ?

— Il faut fuir. Il faut quitter cette planète où tu n’aurais jamais dû venir. Il faut retourner chez toi, sur la Terre. Ton salut et celui de ton fils l’exigent. »

Sa voix se brise, comme si elle allait pleurer. Elle m’est encore plus attachée que je ne l’aurais cru. Je suis bouleversé, moi aussi, autant par son chagrin que par la perspective de la quitter pour toujours. Mais comment m’évader de cette planète ? Cornélius reprend la parole.

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