Читаем La planète des singes полностью

Cornélius a des ennemis. Il n’ose pas proclamer franchement sa découverte. Le voudrait-il, que les autorités s’y opposeraient sans doute. Le clan orang-outan, Zaïus en tête, intrigue contre lui. Ils parlent de conspiration contre la race simienne et me désignent plus ou moins ouvertement comme un des factieux. Les gorilles n’ont pas encore pris position officiellement, mais ils sont toujours contre ce qui tend à troubler l’ordre public.


J’ai éprouvé aujourd’hui une grande émotion. L’événement tant attendu s’est produit. J’ai d’abord été transporté de joie, mais, à la réflexion, j’ai frémi devant le nouveau danger qu’il représente. Nova a donné le jour à un garçon.

J’ai un enfant, j’ai un fils sur la planète Soror. Je l’ai vu. Cela n’a pas été sans difficulté. Les consignes de secret sont devenues de plus en plus sévères et je n’ai pu rendre visite à Nova durant la semaine qui a précédé sa délivrance. C’est Zira qui m’a apporté la nouvelle. Elle, au moins, restera une amie fidèle, quoi qu’il arrive. Elle m’a trouvé si agité qu’elle a pris sur elle de me ménager une entrevue avec ma nouvelle famille. C’est quelques jours après la naissance qu’elle m’a conduit vers elle, tard dans la nuit, car le nouveau-né est sans cesse surveillé dans la journée.

Je l’ai vu. C’est un bébé magnifique. Il était étendu sur la paille, comme un nouveau Christ, pelotonné contre le sein de sa mère. Il me ressemble, mais il a aussi la beauté de Nova. Celle-ci a émis un grognement menaçant quand j’ai poussé la porte. Elle est inquiète, elle aussi. Elle s’est dressée, les ongles prêts à déchirer, mais s’est calmée en me reconnaissant. Je suis certain que cette naissance l’a fait remonter de plusieurs degrés dans l’échelle des êtres. L’étincelle fugitive a fait place à une flamme permanente. J’embrasse mon fils avec passion, sans vouloir songer aux nuages qui s’accumulent sur nos têtes.

Ce sera un homme, un vrai, j’en suis certain. L’esprit pétille sur ses traits et dans son regard. J’ai rallumé le feu sacré. Grâce à moi, une humanité ressuscite et va s’épanouir sur cette planète. Quand il sera grand, il fera souche et…

Quand il sera grand ! Je frissonne en songeant aux conditions de son enfance et à tous les obstacles qui vont s’élever sur son chemin. Qu’importe ! à nous trois, nous triompherons, j’en suis sûr. Je dis à nous trois, car Nova est maintenant de notre bord. Il n’y a qu’à voir la manière dont elle contemple son enfant. Si elle le lèche encore, à la façon des mères de cette étrange planète, sa physionomie s’est spiritualisée.

Je l’ai reposé sur la paille. Je suis rassuré sur sa nature. Il ne parle pas encore, mais… je divague ; il a trois jours !… mais il parlera. Le voilà qui se met à pleurer faiblement, à pleurer comme un bébé d’homme et non à vagir. Nova ne s’y trompe pas et le contemple dans une extase émerveillée.

Zira ne s’y méprend pas davantage. Elle s’est approchée, ses oreilles velues se sont dressées et elle regarde longtemps le bébé, en silence, d’un air grave. Puis, elle me fait comprendre que je ne peux rester plus longtemps. Ce serait trop dangereux pour nous tous si l’on me surprenait ici. Elle me promet de veiller sur mon fils et je sais qu’elle tiendra parole. Mais je n’ignore pas non plus qu’elle est soupçonnée de complaisance envers moi et l’éventualité de son renvoi me fait frémir. Je ne dois pas lui faire courir ce risque.

J’embrasse ma famille avec ferveur et je m’éloigne. En me retournant, je vois la guenon se pencher, elle aussi, sur ce bébé d’homme et poser doucement le museau sur son front, avant de fermer la cage. Et Nova ne proteste pas ! Elle admet cette caresse, qui doit être habituelle. Songeant à l’antipathie qu’elle témoignait autrefois à Zira, je ne puis m’empêcher de voir là un nouveau miracle.

Nous sortons. Je tremble de tous mes membres et je m’aperçois que Zira est aussi émue que moi.

« Ulysse, s’écrie-t-elle en essuyant une larme, il me semble parfois que cet enfant est aussi le mien ! »

X

Les visites périodiques que je m’astreins à faire au professeur Antelle sont un devoir de plus en plus pénible. Il est toujours à l’Institut, mais on a dû l’enlever de la cellule assez confortable où j’avais obtenu qu’on le logeât. Il y dépérissait et avait de temps en temps des accès de rage qui le rendaient dangereux. Il cherchait à mordre les gardiens. Alors, Cornélius a essayé un autre système. Il l’a fait placer dans une cage ordinaire, sur la paille, et lui a donné une compagne : la fille avec laquelle il dormait au jardin zoologique. Le professeur l’a accueillie en manifestant bruyamment une joie animale et, aussitôt, ses façons ont changé. Il a repris goût à la vie.

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