Читаем Le compte de Monte-Cristo Tome IV полностью

«Il me connaît, lui, et c’est à lui que j’ai engagé ma parole. Rassurez-vous donc, messieurs; trois jours, je vous demande trois jours, c’est moins que ne vous demanderait la justice, et dans trois jours la vengeance que j’aurai tirée du meurtre de mon enfant fera frissonner jusqu’au fond de leur cœur les plus indifférents des hommes.

«N’est-ce pas, mon père?»

Et en disant ces paroles, il grinçait des dents et secouait la main engourdie du vieillard.

«Tout ce qui est promis sera-t-il tenu, monsieur Noirtier? demanda Morrel, tandis que d’Avrigny interrogeait du regard.

– Oui, fit Noirtier, avec un regard de sinistre joie.

– Jurez donc, messieurs, dit Villefort en joignant les mains de d’Avrigny et de Morrel, jurez que vous aurez pitié de l’honneur de ma maison, et que vous me laisserez le soin de le venger?»

D’Avrigny se détourna et murmura un oui bien faible, mais Morrel arracha sa main du magistrat, se précipita vers le lit, imprima ses lèvres sur les lèvres glacées de Valentine, et s’enfuit avec le long gémissement d’une âme qui s’engloutit dans le désespoir.

Nous avons dit que tous les domestiques avaient disparu.

M. de Villefort fut donc forcé de prier d’Avrigny de se charger des démarches, si nombreuses et si délicates, qu’entraîne la mort dans nos grandes villes, et surtout la mort accompagnée de circonstances aussi suspectes.

Quant à Noirtier, c’était quelque chose de terrible à voir que cette douleur sans mouvement, que ce désespoir sans gestes, que ces larmes sans voix.

Villefort rentra dans son cabinet; d’Avrigny alla chercher le médecin de la mairie qui remplit les fonctions d’inspecteur après décès, et que l’on nomme assez énergiquement le médecin des morts.

Noirtier ne voulut point quitter sa petite-fille.

Au bout d’une demi-heure, M. d’Avrigny revint avec son confrère; on avait fermé les portes de la rue, et comme le concierge avait disparu avec les autres serviteurs, ce fut Villefort lui-même qui alla ouvrir.

Mais il s’arrêta sur le palier; il n’avait plus le courage d’entrer dans la chambre mortuaire.

Les deux docteurs pénétrèrent donc seuls jusqu’à la chambre de Valentine.

Noirtier était près du lit, pâle comme la morte, immobile et muet comme elle.

Le médecin des morts s’approcha avec l’indifférence de l’homme qui passe la moitié de sa vie avec les cadavres, souleva le drap qui recouvrait la jeune fille, et entrouvrit seulement les lèvres.

«Oh! dit d’Avrigny en soupirant, pauvre jeune fille, elle est bien morte, allez.

– Oui», répondit laconiquement le médecin en laissant retomber le drap qui recouvrait le visage de Valentine.

Noirtier fit entendre un sourd râlement.

D’Avrigny se retourna, les yeux du vieillard étincelaient. Le bon docteur comprit que Noirtier réclamait la vue de son enfant, il le rapprocha du lit, et tandis que le médecin des morts trempait dans de l’eau chlorurée les doigts qui avaient touché les lèvres de la trépassée, il découvrit ce calme et pâle visage qui semblait celui d’un ange endormi.

Une larme qui reparut au coin de l’œil de Noirtier fut le remerciement que reçut le bon docteur.

Le médecin des morts dressa son procès-verbal sur le coin d’une table, dans la chambre même de Valentine, et, cette formalité suprême accomplie, sortit reconduit par le docteur.

Villefort les entendit descendre et reparut à la porte de son cabinet.

En quelques mots il remercia le médecin, et, se retournant vers d’Avrigny:

«Et maintenant! dit-il, le prêtre?

– Avez-vous un ecclésiastique que vous désirez plus particulièrement charger de prier près de Valentine? demanda d’Avrigny.

– Non, dit Villefort, allez chez le plus proche.

– Le plus proche, fit le médecin est un bon abbé italien qui est venu demeurer dans la maison voisine de la vôtre. Voulez-vous que je le prévienne en passant?

– D’Avrigny, dit Villefort, veuillez, je vous prie, accompagner monsieur.

«Voici la clef pour que vous puissiez entrer et sortir à volonté.

«Vous ramènerez le prêtre, et vous vous chargerez de l’installer dans la chambre de ma pauvre enfant.

– Désirez-vous lui parler, mon ami?

– Je désire être seul. Vous m’excuserez, n’est-ce pas? Un prêtre doit comprendre toutes les douleurs, même la douleur paternelle.»

Et M. de Villefort, donnant un passe-partout à d’Avrigny, salua une dernière fois le docteur étranger et rentra dans son cabinet, où il se mit à travailler.

Pour certaines organisations, le travail est le remède à toutes les douleurs.

Au moment où ils descendaient dans la rue, ils aperçurent un homme vêtu d’une soutane, qui se tenait sur le seuil de la porte voisine.

«Voici celui dont je vous parlais», dit le médecin des morts à d’Avrigny.

D’Avrigny aborda l’ecclésiastique.

«Monsieur, lui dit-il, seriez-vous disposé à rendre un grand service à un malheureux père qui vient de perdre sa fille, à M. le procureur du roi Villefort?

– Ah! monsieur, répondit le prêtre avec un accent italien des plus prononcés, oui, je sais, la mort est dans sa maison.

– Alors, je n’ai point à vous apprendre quel genre de service il ose attendre de vous.

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