Читаем Le compte de Monte-Cristo Tome IV полностью

Peu à peu le salon mortuaire s’emplit et l’on vit arriver d’abord une partie de nos anciennes connaissances, c’est-à-dire Debray, Château-Renaud, Beauchamp, puis toutes les illustrations du parquet, de la littérature et de l’armée; car M. de Villefort occupait moins encore par sa position sociale que par son mérite personnel, un des premiers rangs dans le monde parisien.

Le cousin se tenait à la porte et faisait entrer tout le monde, et c’était pour les indifférents un grand soulagement, il faut le dire, que de voir là une figure indifférente qui n’exigeait point des conviés une physionomie menteuse ou de fausses larmes, comme eussent fait un père, un frère ou un fiancé.

Ceux qui se connaissaient s’appelaient du regard et se réunissaient en groupes.

Un de ces groupes était composé de Debray, de Château-Renaud et de Beauchamp.

«Pauvre jeune fille! dit Debray, payant, comme chacun au reste le faisait malgré soi, un tribut à ce douloureux événement; pauvre jeune fille! si riche, si belle! Eussiez-vous pensé cela, Château-Renaud, quand nous vînmes, il y a combien?… trois semaines ou un mois tout au plus, pour signer ce contrat qui ne fut pas signé?

– Ma foi, non, dit Château-Renaud.

– La connaissiez-vous?

– J’avais causé une fois ou deux avec elle au bal de Mme de Morcerf, elle m’avait paru charmante quoique d’un esprit un peu mélancolique. Où est la belle-mère? savez-vous?

– Elle est allée passer la journée avec la femme de ce digne monsieur qui nous reçoit.

– Qu’est-ce que c’est que ça?

– Qui ça?

– Le monsieur qui nous reçoit. Un député?

– Non, dit Beauchamp; je suis condamné à voir nos honorables tous les jours, et sa tête m’est inconnue.

– Avez-vous parlé de cette mort dans votre journal?

– L’article n’est pas de moi, mais on en a parlé; je doute même qu’il soit agréable à M. de Villefort. Il est dit, je crois, que si quatre morts successives avaient eu lieu autre part que dans la maison de M. le procureur du roi, M. le procureur du roi s’en fût certes plus ému.

– Au reste, dit Château-Renaud, le docteur d’Avrigny, qui est le médecin de ma mère, le prétend fort désespéré.

– Mais qui cherchez-vous donc, Debray?

– Je cherche M. de Monte-Cristo, répondit le jeune homme.

– Je l’ai rencontré sur le boulevard en venant ici. Je le crois sur son départ, il allait chez son banquier, dit Beauchamp.

– Chez son banquier? Son banquier, n’est-ce pas Danglars? demanda Château-Renaud à Debray.

– Je crois que oui, répondit le secrétaire intime avec un léger trouble; mais M. de Monte-Cristo n’est pas le seul qui manque ici. Je ne vois pas Morrel.

– Morrel! est-ce qu’il les connaissait? demanda Château-Renaud.

– Je crois qu’il avait été présenté à Mme de Villefort seulement.

– N’importe, il aurait dû venir, dit Debray; de quoi causera-t-il, ce soir? cet enterrement, c’est la nouvelle de la journée; mais, chut, taisons-nous, voici M. le ministre de la Justice et des Cultes, il va se croire obligé de faire son petit speech au cousin larmoyant.»

Et les trois jeunes gens se rapprochèrent de la porte pour entendre le petit speech de M. le ministre de la Justice et des Cultes.

Beauchamp avait dit vrai; en se rendant à l’invitation mortuaire, il avait rencontré Monte-Cristo, qui, de son côté, se dirigeait vers l’hôtel de Danglars, rue de la Chaussée-d ’Antin.

Le banquier avait, de sa fenêtre, aperçu la voiture du comte entrant dans la cour, et il était venu au-devant de lui avec un visage attristé, mais affable.

«Eh bien, comte, dit-il en tendant la main à Monte-Cristo, vous venez me faire vos compliments de condoléance. En vérité, le malheur est dans ma maison; c’est au point que, lorsque je vous ai aperçu, je m’interrogeais moi-même pour savoir si je n’avais pas souhaité malheur à ces pauvres Morcerf, ce qui eût justifié le proverbe: Qui mal veut, mal lui arrive. Eh bien, sur ma parole, non, je ne souhaitais pas de mal à Morcerf; il était peut-être un peu orgueilleux pour un homme parti de rien, comme moi, se devant tout à lui-même, comme moi, mais chacun a ses défauts. Ah, tenez-vous bien, comte, les gens de notre génération… Mais, pardon, vous n’êtes pas de notre génération, vous, vous êtes un jeune homme… Les gens de notre génération ne sont point heureux cette année: témoin notre puritain de procureur du roi, témoin Villefort, qui vient encore de perdre sa fille. Ainsi, récapitulez: Villefort, comme nous disions, perdant toute sa famille d’une façon étrange; Morcerf déshonoré et tué; moi, couvert de ridicule par la scélératesse de ce Benedetto, et puis…

– Puis, quoi? demanda le comte.

– Hélas! vous l’ignorez donc?

– Quelque nouveau malheur?

– Ma fille…

– Mlle Danglars?

– Eugénie nous quitte.

– Oh! mon Dieu! que me dites-vous là!

– La vérité, mon cher comte. Mon Dieu! que vous êtes heureux de n’avoir ni femme ni enfant, vous!

– Vous trouvez?

– Ah! mon Dieu!

– Et vous dites que Mlle Eugénie…

– Elle n’a pu supporter l’affront que nous a fait ce misérable, et m’a demandé la permission de voyager.

– Et elle est partie?

– L’autre nuit.

– Avec Mme Danglars?

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