Читаем Le coup du père François полностью

Berthe, affalée sur un canapé, regarde la télé. A ses côtés il y a leur ami le coiffeur. Béru est assis sur une chaise, derrière eux, comme dans l'autobus. On entend le bruit menu et-flasque de la jarretelle de la Grosse sur laquelle le coiffeur fait des gammes. A la télé, M. Pierre Sabbagh en personne dans l'homme du XXe. siècle. Il pose une question drôlement épineuse, M. Sabbagh « Quelle était la couleur du cheval d'Henri IV ? » Y a un suspense si épuisant qu'aucune des trois personnes ne daignent me saluer. Je m'assieds aux côtés du gros. La bonne se met sur mes genoux parce que je viens de mobiliser son siège. La minute est angoissante. C'est le match de l'année : M. Balandard contre les gars de Bellenaves (Allier). Le représentant de Bellenaves dit que le cheval d'Henri IV (le roi du Bouillon Kub) était gris pommelé. M. Balandard, lui, affirme qu'il était noir. Zéro point partout ! Et le jeu se poursuit.

Sa Majesté se décide à me tendre deux doigts négligemment.

— Quel bon vent ? me demande-t-il, très Régence.

Je presse les deux francforts.

— On peut bavarder un instant ?

— A la fin de l'émission, tranche-t-il. D'ailleurs ça va z'être la dernière question.

— Une question de littérature ! nous précise M. Sabbagh. (C'est maintenant le jeudi le jour du Sabbagh).

Il prend une fiche dans un casier et son visage s'éclaire comme le hall d'un cinéma.

— Qui a écrit « Du Mouron à se faire », demande-t-il, en prenant son petit air narquois qui bouleverse quatre millions cinq cent vingt-six mille téléspectatrices.

M. Balandard répond Shakespeare ; le représentant de Bellenaves dit que c'est San-Antonio, et naturellement il triomphe.

— Je me rappelais plus que c'était de toi, convient Bérurier.

— Parce que ta formation classique laisse à désirer !

La victoire des Beauxnavets est totale. M. Balandard est mystifié. Il gagne tout de même un petit quelque chose, et le droit de serrer la louche à maître Lesage. Y en a qui se sont fait tuer pour moins que ça ! Je m'apprête à saluer la baleine, mais je ne la vois plus. Elle vient de s'abattre sur le canapé. Le coiffeur lui fait le coup du bigoudi investigateur et la Gravosse roucoule comme un torrent.

— Y a des intermèdes chez toi ! chuchoté-je au Gros en lui désignant son cétacé.

Il murmure à mon oreille.

— Je peux rien dire : nous sommes z'en froid.

Puis, me montrant son copain le merlan, il ajoute : « Figure-toi que ce tordu vient de divorcer. Nous allons nous le taper tous les soirs à partir de dorénavant. »

Ce pluriel est quelque peu singulier. J'entraîne pudiquement le Gros jusqu'au troquet d'en bas.


Une fois accoudé au bastingage ça va mieux. L'hénorme retrouve sa sérénité.

— Tu vois, fait-il, depuis notre algarade d'hier, je bourdonne. Ça me fait de la peigne de ne plus avoir mon tigre. Enfin je vais le faire naturaliser ; quant à mon Sahara-Bernard il est en clinique ; tu le verrais, plâtré comme il est, tu croirais que c'est sa statue.

— On va le mettre au coté de Pinaud sur un piédestal, rigolé-je.

— A propos de Pinaud, je suis été le voir en fin de journée.

— Comment va-t-il ?

— Toujours ses démangeaisons. Le flic qui le garde passe son temps à le gratter.

— Maintenant, au rapport ! fais-je.

Bérurier vide son verre de beaujolpif.

— Bouscule pas le marin, proteste-t-il.

Il torche ses lèvres d'un puissant revers de manche et fait signe au taulier de pratiquer une nouvelle transfusion.

— Bon, causons. Côté observation, y a rien à dire vu que le consulat a tété fermaga toute la journée et que personne n'y est venu. Je m'ai fait mal à la tétine de l'œil à force de zieuter depuis chez ton vieux prof avec des jumelles.

— Pas de nouvelles de Morpion ?

— Pas la moindre plus légère. Sa pipelette ne l'a pas vu ion plus.

— Bref, tu n'as absolument rien à m'apprendre ?

Le Gros se compose une attitude énigmatique. Il plisse un œil, ouvre tout grand l'autre et se pince le bout du pif entre le pouce et l'index.

— Qui sait…

— Pose pas des charades, Gros, c'est pas dans ton style, tranché-je. Si tu as quelque chose à bonnir, déballe-le sans jouer les Harry Baur.

Ça le vexe.

— Le jour où que tu cesserais de me traiter comme un slip, fait-il, je pavoiserais. Le nouveau que j'ai à te causer, c'est grâce à mes dons que je l'ai découvert.

Il boit son deuxième verre. Je me retiens de le houspiller. C'est par le silence qu'on a raison de lui. Je chope un journal qui traînait sur le comptoir et je lis le compte rendu du match Monaco-Nice. Le Mastar me l'arrache des mains avec violence.

— Faut pas charrier, San-A. Je ne suis pas en service. T'es là, tu viens me chercher à mon domicile en pleine télé. Je laisse ma digne épouse se faire calter, par le coiffeur pour te suivre et tout ce que tu trouves c'est de me lire l'Equipe au nez ! Ça se fait pas.

Des larmes d'humiliation noient son regard couleur d'abattoir.

Je lui donne une bourrade.

— Allons, Béru, fais pas ta princesse meurtrie. Raconte…

C'est la bonne pâte à beignet, Bérurier. Toujours partant pour les bons sentiments. Il renifle puissamment et déclare :

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