Читаем Le Grec полностью

C'était le début de perspectives fabuleuses, peut-être même la reconnaissance à l'O.N.U. de l'État de Baran, ce qui lui permettrait de tirer un maximum des gouvernements auxquels il accorderait sa voix, lors des votes décisifs. Actuellement, il lui était impossible d'exercer ce genre de chantage; tout au plus pouvait-il se permettre de flirter avec les uns et les autres sans accorder de préférence à aucun. Il ne tenait pas à se faire bouder par les Américains pour avoir favorisé les Russes, ou être mis en quarantaine par les Européens pour un marché passé avec les Japonais. Son seul recours était de traiter avec des armateurs privés, assez puissants pour l'alimenter en armes, assez riches pour assurer son indépendance financière. Dès le début, Kallenberg ne lui avait pas paru faire le poids. Trop vaniteux, trop préoccupé par sa propre personne, de l'effet qu'il produisait sur autrui. Satrapoulos lui semblait plus rusé, plus mûr, plus efficace. Ne venait-il pas de le prouver en retournant en sa faveur une situation qui lui était contraire? C'est sur lui qu'il fallait miser et prendre appui, jusqu'au jour où il siérait assez fort pour se passer de ses services et jouer sa propre carte sur le plan de la politique mondiale. Ils verraient alors ce qu'était un vrai cheik, et ce que pourrait donner l'union — sous la bannière de Hadj Thami el-Sadek — de tous les émirats de l'Arabie Saoudite! Il revint sur terre, oubliant les fausses réticences qu'il avait manifestées et l'état d'attente dans lequel il voulait maintenir l'armateur :

« Bien entendu, vous me paierez en dollars à un compte suisse numéroté dont je vous donnerai le chiffre.

— Altesse, jubila Satrapoulos, bien entendu. Il sera fait comme il vous plaira.

— Tout est donc parfait… Et maintenant, mon frère, si vous voulez vous reposer, vos appartements vous attendent. »

S.S. fut contrarié par cette invitation qui n'était pas prévue au programme. Il avait projeté de rentrer en Europe le soir même, à Genève plus précisément, où il avait pris rendez-vous avec ses banquiers pour le lendemain. El-Sadek dut sentir sa réticence secrète. Pour une raison inconnue, mystérieusement, il insista :

« Vous me feriez un immense honneur en acceptant mon hospitalité. »

Engagée de cette façon l'affaire était mal partie : Socrate ne pouvait refuser sans risquer de le blesser. Au diable les banquiers! Un marché pareil valait bien quelques sacrifices. Il s'inclina :

« Altesse, vous répondez à mes vœux les plus intenses. Votre invitation est un immense honneur pour moi. Je l'accepte avec bonheur, puisque vous ne m'en jugez pas indigne. »

Quand le Grec sortit de la ridicule petite maison, ébloui de joie par la victoire qu'il venait de remporter, il faillit esquisser un pas de sirtaki devant le conseiller qui lui tenait grande ouverte la porte de la Rolls : c'était plus fort que lui, mais chaque fois qu'il gagnait une partie, il lui fallait se retenir pour ne pas danser!


Vu de près, c'était une petite planète brune, hérissée de cratères dont certains suintaient l'humidité. Vu d'un peu plus loin, on constatait qu'il s'agissait du mamelon d'un sein, énorme, cerné d'une île violacée qui faisait sur la peau, malgré son hâle, une violente tache foncée. Selon que le sein s'avançait ou s'éloignait, le Grec en percevait de multiples visions différentes qui ouvraient les portes à des délires variés. Parfois, la pointe lui frôlait le visage, les lèvres et il se retenait de toutes ses forces pour ne pas le prendre à pleine bouche, le sucer, en sentir le goût.

En fait, il était affreusement gêné par la situation tout à fait imprévue dans laquelle il se trouvait. Ce n'était pas désagréable, non, mais il n'osait pas se laisser aller à un plaisir qu'on le forçait presque à prendre. Il refusait confusément d'entrer dans la peau du personnage qu'on voulait lui faire jouer.

Les filles, pourtant, avaient l'air de trouver sa position naturelle. Il était allongé dans l'eau fumante d'un bassin, creusé à même le sol d'une gigantesque salle de bain et des dizaines de mains le savonnaient doucement, insistant sur les zones sensibles de son corps, juste assez pour l'énerver, pas assez pour le détendre. En restant l'hôte de l'émir pour la nuit, il n'aurait jamais imaginé qu'il se retrouverait livré pieds et poings aux pensionnaires d'un harem.

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