On dit que l’Angmar fut un temps contenu par Ceux des Elfes venus du Lindon – et aussi de Fendeval, car Elrond fit venir des renforts de la Lórien au-delà des Montagnes. À cette époque, les Fortauds qui s’étaient établis dans l’Angle (entre la Fongrège et la Bruyandeau) s’enfuirent à l’ouest et au sud, à cause des guerres et de la terreur de l’Angmar, mais aussi en raison de la détérioration des terres et du climat de l’Eriador, devenus hostiles, en particulier dans l’est. Certains regagnèrent la Contrée Sauvage, s’installant aux abords de la Rivière aux Flambes, et ils devinrent un peuple de riverains et de pêcheurs.
Durant le règne d’Argeleb II, la peste arriva en Eriador par le Sud-Est et décima la population du Cardolan, et celle du Minhiriath en particulier. Les Hobbits et tous les autres peuples en pâtirent beaucoup, mais l’épidémie diminua en progressant au nord, et les régions septentrionales de l’Arthedain ne furent guère touchées. Cette époque signala la fin des Dúnedain du Cardolan, et de mauvais esprits venus de l’Angmar et du Rhudaur investirent les tertres désertés et y élurent domicile.
« On dit que les monticules de Tyrn Gorthad, comme on appelait jadis les Coteaux des Tertres, sont très anciens : bon nombre auraient été élevés à l’époque du monde antique, au Premier Âge, par les ancêtres des Edain, avant qu’ils ne franchissent les Montagnes Bleues jusqu’au Beleriand, dont le Lindon est la seule partie qui subsiste de nos jours. Aussi les Dúnedain, à leur retour, regardèrent-ils ces collines avec la plus grande révérence ; et ils y enterrèrent bon nombre de leurs seigneurs et de leurs rois. [Le tertre où fut emprisonné le Porteur de l’Anneau aurait été, selon certains, la tombe du dernier prince du Cardolan, tombé durant la guerre de 1409.] »
« En 1974, la puissance de l’Angmar se manifesta de nouveau, et le Roi-Sorcier envahit l’Arthedain avant la fin de l’hiver. Il s’empara de Fornost et chassa la plupart des Dúnedain restant au-delà du Loune ; les fils du roi étaient de ce nombre. Mais le roi Arvedui tint les Coteaux du Nord jusqu’à la toute fin, puis il s’enfuit vers le nord avec quelques-uns de son escorte ; et la rapidité de leurs chevaux les sauva.
« Arvedui se cacha pour un temps dans les galeries des anciennes mines naines à l’extrémité des Montagnes, mais la faim le poussa à chercher assistance auprès des Lossoth, les Hommes des Neiges du Forochel21
. Il en trouva quelques-uns bivouaquant au bord de la mer ; mais ils ne l’aidèrent pas volontiers, car le roi n’avait rien à leur offrir, hormis quelques joyaux sans valeur à leurs yeux ; et ils craignaient le Roi-Sorcier, qui pouvait (disaient-ils) commander le gel et le dégel par sa seule volonté. Mais tant par compassion envers le roi hâve et ses hommes que par crainte de leurs armes, ils leur offrirent un peu de nourriture et leur construisirent des huttes de neige. Là, Arvedui fut contraint d’attendre et d’espérer qu’une aide lui parvînt du sud ; car ses chevaux avaient péri.« Sitôt que Círdan apprit par Aranarth, fils d’Arvedui, la fuite de ce dernier dans le Nord, il envoya un navire au Forochel afin d’aller à sa recherche. Après bien des jours, en raison de vents contraires, le navire arriva enfin à destination, et les marins virent au loin le petit feu de bois flotté que les hommes égarés s’efforçaient de maintenir. Mais cette année-là, l’hiver mit longtemps à relâcher son étreinte ; et bien qu’on fût alors en mars, la débâcle commençait à peine, et la glace s’étendait encore loin des rives.
« Les Hommes des Neiges, apercevant le navire, furent en même temps ébahis et effrayés, car jamais de mémoire d’homme ils n’avaient vu un tel navire sur les flots ; mais ils étaient entre-temps devenus plus amicaux, et ils s’aventurèrent sur la banquise avec le roi et les survivants de son escorte, aussi loin qu’ils l’osèrent dans leurs voitures glissantes. Ainsi, une barque du navire fut en mesure d’aller les recueillir.
« Mais les Hommes des Neiges étaient inquiets, car ils disaient flairer un danger sur le vent. Et le chef des Lossoth dit à Arvedui : “Ne montez pas sur ce monstre des mers ! Que les marins nous apportent des vivres et d’autres choses qui nous font défaut, s’ils les ont, et vous pourrez rester ici jusqu’à ce que le Roi-Sorcier soit rentré chez lui. Car en été, son pouvoir diminue ; mais son souffle est mortel à présent, et son bras est long et froid.”
« Mais Arvedui ne suivit pas son conseil. Il le remercia, et lorsqu’ils se séparèrent, il lui donna son anneau, disant : “Cet objet a plus de valeur que vous ne pouvez le concevoir. Par sa seule origine. Il n’a aucun pouvoir, sinon le prix que lui accordent ceux qui tiennent ma maison en honneur. Il ne vous aidera pas, mais si jamais vous êtes dans le besoin, les miens vous le rachèteront avec quantité de choses que vous pourriez désirer22
.”