La Lignée du Nord pouvait s’enorgueillir sinon s’émerveiller du fait que, malgré leur puissance déchue et leur population diminuée, la succession de père en fils se maintint, ininterrompue, tout au long des générations. De même, si la longévité des Dúnedain ne cessa de s’amenuiser en Terre du Milieu, le déclin fut plus rapide au Gondor dès lors que leurs rois firent défaut ; cependant que maints Chefs du Nord vivaient encore deux fois plus vieux que les autres Hommes, c’est-à-dire bien au-delà des jours octroyés à nos plus vénérables. Aragorn vécut d’ailleurs deux cent dix ans, plus longtemps qu’aucun autre de sa lignée depuis le roi Arvegil ; mais en Aragorn Elessar fut renouvelée la dignité des rois d’autrefois.
(IV)
LE GONDOR ET LES HÉRITIERS D’ANÁRIONTrente et un rois se succédèrent au Gondor après Anárion, tombé devant la Barad-dûr. Sur plus d’un millénaire, bien que la guerre n’ait jamais cessé d’assaillir leurs bornes, les Dúnedain du Sud acquirent puissance et richesse sur terre et sur mer, jusqu’au règne d’Atanatar II, surnommé Alcarin, le Glorieux. Mais même alors, on entrevoyait déjà les signes du déclin ; car les nobles du Sud se mariaient tardivement, et ils avaient peu d’enfants. Le premier roi sans postérité fut Falastur, et le second Narmacil I, fils d’Atanatar Alcarin.
Ce fut Ostoher, le septième roi, qui rebâtit Minas Anor, où les rois eurent dès lors coutume de passer l’été, la préférant à Osgiliath. En son temps, le Gondor essuya la première attaque des hommes sauvages de l’Est. Mais Tarostar, son fils, les vainquit et les expulsa, et il prit le nom de Rómendacil, « Vainqueur de l’Est ». Il tomba par ailleurs au combat contre de nouvelles hordes d’Orientais. Turambar son fils le vengea et conquit de grands territoires à l’est.
Ce fut avec Tarannon, le douzième roi, que commença la lignée des Rois-Navigateurs, qui constituèrent des forces navales afin d’accroître l’empire du Gondor le long des côtes, à l’ouest et au sud des Bouches de l’Anduin. Pour commémorer ses victoires en tant que Capitaine des Armées, Tarannon ceignit la couronne sous le nom de Falastur, « Seigneur des Côtes ».
Eärnil I, son neveu, qui lui succéda, réhabilita l’ancien port de Pelargir et se fit construire une grande escadre. Il assiégea Umbar par mer et par terre et s’en empara, et ce devint un port important et une grande place forte au sein du Gondor27
. Mais Eärnil ne survit pas longtemps à son triomphe. Il périt avec maints navires et maints hommes dans une terrible tempête au large d’Umbar. Ciryandil son fils poursuivit la construction de navires ; mais les Hommes du Harad, sous la conduite des seigneurs qui avaient été chassés d’Umbar, marchèrent en grande force sur cette place, et Ciryandil tomba sous leur glaive au Haradwaith.Umbar fut investi de nombreuses années durant, mais la puissance navale du Gondor tint le Harad en échec. Ciryaher fils de Ciryandil attendit son heure, puis, ayant enfin rassemblé une force suffisante, il descendit du nord par terre et par mer et, franchissant le fleuve Harnen, ses armées écrasèrent complètement les Hommes du Harad, et leurs rois furent forcés de reconnaître la souveraineté du Gondor (1050). Ciryaher prit alors le nom de Hyarmendacil, « Vainqueur du Sud ».
Nul n’osa plus défier la puissance de Hyarmendacil tant que dura son règne. Celui-ci dura cent trente-quatre ans, le plus long de toute la Lignée d’Anárion, hormis un seul. En son temps, la puissance du Gondor atteignit son zénith. Le royaume s’étendait alors, au nord, jusqu’au champ de la Celebrant et aux lisières sud de Grand’Peur, jusqu’au Grisfleur à l’ouest, à l’est jusqu’à la Mer intérieure du Rhûn, et au sud jusqu’au fleuve Harnen, et de là le long de la côte jusqu’à la péninsule du port d’Umbar. Les Hommes des Vaux de l’Anduin reconnaissaient son autorité ; et les rois du Harad rendaient hommage au Gondor, eux dont les fils vivaient en otages à la cour du Roi. Le Mordor était désolé, mais sous la surveillance de grandes places fortes gardant les cols.
Ainsi prit fin la lignée des Rois-Navigateurs. Atanatar Alcarin fils de Hyarmendacil vécut dans un grand faste, et les gens disaient :