« Mais l’Armée de l’Ouest fondit sur lui depuis les Collines du Crépuscule, et une grande bataille se déroula sur la plaine entre le Nenuial et les Coteaux du Nord. Les forces de l’Angmar battaient déjà en retraite vers Fornost quand le gros de la cavalerie qui avait contourné les collines les assaillit par le nord et les mit en déroute. Alors le Roi-Sorcier, rassemblant tous ceux qu’il put sauver de la débâcle, s’enfuit vers le nord, cherchant à rallier son propre royaume d’Angmar. Avant qu’il n’ait pu gagner la sécurité de Carn Dûm, la cavalerie du Gondor le rattrapa, menée par Eärnur en personne. Au même moment, une force dirigée par le seigneur elfe Glorfindel arriva de Fendeval. La défaite de l’Angmar fut alors si totale qu’il ne resta plus un homme, ni un seul orque de ce royaume à l’ouest des Montagnes.
« Mais l’on dit qu’à l’heure de la défaite, le Roi-Sorcier parut alors soudain, manteau et masque noirs sur une monture noire. Tous ceux qui le virent furent saisis d’effroi ; mais sa haine entière se porta sur le Capitaine du Gondor, qu’il chargea avec un terrible cri. Eärnur entendait l’affronter ; mais son cheval ne put souffrir cet assaut, et il vira brusquement et emporta son cavalier avant que celui-ci ne l’ait maîtrisé.
« Alors le Roi-Sorcier éclata de rire, et quiconque l’entendit n’oublia jamais l’horreur de ce cri. Mais Glorfindel s’avança alors sur son cheval blanc, et, au milieu de son rire, le Roi-Sorcier prit la fuite et se perdit dans les ombres. Car la nuit tombait sur le champ de bataille, et il disparut, et nul ne vit où il s’en était allé.
« Eärnur revint à présent, mais Glorfindel, scrutant les ténèbres qui s’amoncelaient, dit : “Ne le poursuivez pas ! Il ne reviendra plus dans ces terres. Sa fin est encore lointaine, et il ne tombera pas par la main d’un homme.” Beaucoup se souvinrent de ces mots ; mais Eärnur était furieux, et ne pensait qu’à se venger de son déshonneur.
« Ainsi finit le sinistre royaume d’Angmar, et ainsi Eärnur, Capitaine du Gondor, s’attira-t-il la haine suprême du Roi-Sorcier ; mais de nombreuses années devaient s’écouler avant que celle-ci n’éclate au grand jour. »
Ce fut donc au temps du roi Eärnil, comme on le vit plus tard, que le Roi-Sorcier s’échappa du Nord et revint au Mordor, où il rassembla les autres Spectres de l’Anneau dont il était le chef. Mais ce ne fut pas avant l’an 2000 qu’ils sortirent par le col de Cirith Ungol et assiégèrent Minas Ithil. Ils prirent cette tour en 2002 et s’emparèrent de son
« Eärnur était l’égal de son père en valeur, mais non en sagesse. C’était un homme de forte constitution et de tempérament violent ; mais il ne voulait prendre aucune femme, car son seul plaisir était dans le combat ou dans l’exercice des armes. Ses prouesses étaient telles que nul ne pouvait rivaliser avec lui dans ces sports de combat qu’il affectionnait, et l’on eût dit un champion plutôt qu’un capitaine ou un roi ; de fait, il conserva sa vigueur et son habileté jusqu’à un âge plus avancé qu’il n’était alors habituel. »
Quand Eärnur reçut la couronne en 2043, le roi de Minas Morgul le défia en combat singulier, raillant son adversaire de n’avoir pas voulu l’affronter dans la bataille du Nord. Pour cette fois, Mardil l’Intendant contint la colère du roi. Minas Anor, principale cité du royaume depuis l’époque du roi Telemnar, et résidence des rois, fut alors rebaptisée Minas Tirith, en raison de sa veille constante contre le pouvoir maléfique de Morgul.
Eärnur ne détenait la couronne que depuis sept ans lorsque le Seigneur de Morgul réitéra son défi, raillant le roi de ce qu’à la couardise de la jeunesse il avait ajouté la faiblesse de l’âge. Alors Mardil ne put le contenir plus longtemps, et il se rendit devant la porte de Minas Morgul avec une maigre escorte de chevaliers. Aucun d’eux n’en revint jamais. On croyait au Gondor que le roi, piégé par son perfide ennemi, avait péri sous la torture à Minas Morgul ; mais, nul n’ayant été témoin de sa mort, Mardil le Bon Intendant dirigea le Gondor en son nom durant de longues années.
Or, les descendants du roi étaient désormais fort peu nombreux. La Lutte Fratricide en avait emporté beaucoup ; et depuis ce temps-là, les rois s’étaient montrés jaloux et méfiants de ceux qui se réclamaient de ces origines. Et ceux qui s’étaient attirés de tels soupçons, souvent avaient fui à Umbar pour se joindre aux rebelles ; tandis que d’autres avaient renoncé à leur lignage, épousant des femmes qui n’étaient pas de sang númenóréen.