Par trois fois, il cria. Par trois fois, le grand bélier s’abattit. Et soudain, au dernier coup, la Porte du Gondor se brisa. Comme frappée par un sort fulminant, elle vola en éclats : il y eut un éclair saisissant, et les fragments se renversèrent sur le sol.
Vint le Seigneur des Nazgûl. Il engouffra la vue, haute forme noire devant les feux de la bataille, tel un nuage de désespoir. Vint le Seigneur des Nazgûl, sous le portail qu’aucun ennemi n’avait encore franchi, et tous fuirent devant lui.
Tous sauf un. Là attendait, silencieux et immobile au milieu de la place devant la Porte, Gandalf monté sur Scadufax : Scadufax, seul des chevaux libres de la terre capable d’endurer l’horreur, impassible, inébranlable, telles les images gravées de Rath Dínen.
« Vous ne pouvez entrer ici, dit Gandalf, et l’ombre immense s’arrêta. Retournez à l’abîme préparé pour vous ! Demi-tour ! Sombrez dans le néant qui vous attend, vous et votre Maître. Partez ! »
Le Cavalier Noir rejeta son capuchon, et voici ! il portait une couronne royale ; mais elle ne reposait sur aucun crâne visible. Les feux luisaient, rouges, entre celle-ci et les vastes épaules enveloppées de noir. D’une bouche invisible jaillit un rire macabre.
« Vieux fou ! dit-il. Vieux fou ! Ceci est mon heure. Ne reconnais-tu pas la Mort quand tu la vois ? Meurs, à présent, et fi de tes malédictions ! » Sur quoi, il leva son épée, et des flammes coururent le long de la lame.
Gandalf ne bougea pas. Mais à cet instant, quelque part dans une cour au fond de la Cité, un coq chanta. Clair et perçant fut son cri, insoucieux de la guerre et de toute sorcellerie, accueillant seulement le matin qui, loin au-dessus des ombres de mort, venait avec l’aurore dans le ciel.
Et, comme en réponse, jaillit au lointain une autre note. Des cors, des cors, encore des cors. Leurs échos sonnaient faiblement contre les flancs du sombre Mindolluin. De grands cors du Nord criant à pleine voix. Le Rohan arrivait enfin.
5La chevauchée des Rohirrim
Il faisait noir et Merry, étendu sur le sol et emmitouflé dans une couverture, ne voyait strictement rien. Il n’y avait pas un souffle d’air ni de vent, mais, tout autour de lui, les arbres invisibles soupiraient doucement dans la nuit. Il leva la tête. Alors, il l’entendit de nouveau : un faible son de tambours dans les collines boisées et les épaulements de montagne. Leur battement cessait tout à coup et reprenait en un autre endroit, tantôt proche, tantôt lointain. Il se demandait si les guetteurs l’avaient entendu.
Il ne pouvait les voir, mais il se savait entouré des compagnies des Rohirrim. Il sentait l’odeur des chevaux dans le noir, et il les entendait remuer et trépigner doucement sur le sol couvert d’aiguilles. L’ost bivouaquait dans les pinèdes blotties autour de l’Eilenach, la haute colline du feu d’alarme dressée sur les longues crêtes de la Forêt de Drúadan au bord de la grand-route en Anórien de l’Est.
Tout fatigué qu’il était, Merry ne pouvait dormir. Il venait de chevaucher quatre jours d’affilée, et son cœur n’avait cessé de s’alourdir à mesure que la pénombre s’était épaissie. Il commençait à se demander pourquoi il avait tant insisté pour être du voyage, alors qu’il avait eu toutes les excuses, même l’injonction de son seigneur, pour ne pas venir. Il se demandait en outre si le vieux Roi savait qu’il lui avait désobéi, et s’il était fâché. Peut-être pas. Il semblait y avoir une sorte d’arrangement entre Dernhelm et Elfhelm, le Maréchal qui dirigeaient leur