La clarté du dehors ne distrait pas mon âme.La plaine chante et rit comme une jeune femme;Le nid palpite dans les houx;Partout la gaîté luit dans les bouches ouvertes;Mai, couché dans la mousse au fond des grottes vertes,Fait aux amoureux les yeux doux.Dans les champs de luzerne et dans les champs de fèves,Les vagues papillons errent pareils aux rêves;Le blé vert sort des sillons bruns;Et les abeilles d’or courent à la pervenche,Au thym, au liseron, qui tend son urne blancheÀ ces buveuses de parfums.La nue étale au ciel ses pourpres et ses cuivres;Les arbres, tout gonflés de printemps, semblent ivres;Les branches, dans leurs doux ébats,Se jettent les oiseaux du bout de leurs raquettes;Le bourdon galonné fait aux roses coquettesDes propositions tout bas.Moi, je laisse voler les senteurs et les baumes,Je laisse chuchoter les fleurs, ces doux fantômes,Et l’aube dire: Vous vivrez!Je regarde en moi-même, et, seul, oubliant l’heure,L’œil plein des visions de l’ombre intérieure,Je songe aux morts, ces délivrés!Encore un peu de temps, encore, ô mer superbe,Quelques reflux; j’aurai ma tombe aussi dans l’herbe,Blanche au milieu du frais gazon,À l’ombre de quelque arbre où le lierre s’attache;On y lira: – Passant, cette pierre te cacheLa ruine d’une prison.