Les feuillages créaient des zones d'ombre propices à une filature. François se rapprocha sans bruit. Miss Mary s'immobilisa devant la grille, mais, au lieu de l'ouvrir, elle posa sa valise sur le sol et attendit. François se cacha derrière un marronnier. En pyjama, il n'avait pas chaud, mais sa curiosité était devenue telle qu'il ne pensait plus à rien. Qu'allait faire Miss Mary? Il la distinguait mieux et s'aperçut qu'elle était en robe de chambre. Soudain, François comprit: quelqu'un allait venir.
Il ne fut pas surpris quand une ombre apparut, de l'autre côté de la grille, et se dessina tout contre les barreaux. Malheureusement, la lumière du réverbère n'était pas assez forte pour qu'il fût possible de distinguer un visage. La silhouette était celle d'un homme d'assez grande taille. Miss Mary prononça quelques mots, puis elle saisit la valise, qui semblait légère, et essaya de la faire passer entre les barreaux. L'homme l'aida en comprimant les flancs de la petite mallette, et celle-ci fut bientôt entre ses mains. Il s'éloigna aussitôt et sembla fondre dans l'obscurité.
Miss Mary ne bougeait plus. Deux ou trois minutes s'écoulèrent, puis une auto démarra, au bout de la rue. Miss Mary écouta encore. Enfin, elle revint vers la maison et passa tout près de François accroupi. Elle se tamponnait les yeux avec un mouchoir dont la blancheur tranchait sur son profil à contre-jour. Elle pleurait…
Elle pleurait! François demeurait cloué par la surprise. Qu'est-ce que tout cela signifiait? Qui était cet homme? Un complice? Mais complice de quoi? Le mot lui-même était insultant. Comme si Miss Mary était capable de commettre quelque action basse! Il se remit en marche, sans se presser, pour donner le temps à la jeune femme de regagner la maison. Mais soudain un bruit familier le fit sursauter. Miss Mary venait de refermer la porte à clef. Il venait d'entendre le claquement du pêne. Il était bel et bien coincé dans le jardin!
Non. C'était trop bête! Il courut sur la pointe des pieds, manœuvra en vain la poignée. Hélas!… Sonner? Il faudrait alors tout raconter. Quelle honte! Rester sur le perron jusqu'au matin et se faufiler dans la place dès qu'on aurait tiré les verrous? Dans le brouillard de l'aube? Un coup à attraper une pneumonie.
Non! «Imbécile! Ganache! Crétin!» Mais François avait beau s'insulter, cela ne calmait point son inquiétude.
Comme un chat perdu, il tourna autour de la maison, sautillant sur le gravier des allées qui lui meurtrissait les pieds. La porte de la cuisine était également verrouillée, et tous les volets soigneusement clos. Il se retrouva devant le perron, transi et de plus en plus livré à l'angoisse. Qu'allait-il devenir? Il s'assit sur la plus haute marche.
«Sans-Atout, mon vieux, pensa-t-il, c'est le moment de te manifester!»
Il se sentait affreusement coupable, maintenant. Et le moyen de se disculper? Oserait-il prétendre qu'il souffrait, parfois, de somnambulisme? C'était ridicule. Il se massa les pieds, puis se frotta vigoureusement les bras et les côtes pour se réchauffer. Quelle idée il avait eue de suivre Miss Mary! A cette heure, s'il n'avait pas été si romanesque, il dormirait dans la tiédeur du lit.
Mais, au fait, il y avait une fenêtre ouverte: la sienne. Pardi! Rien n'était perdu.
Il dévala le perron et prit du recul pour mieux déchiffrer la façade. Pas de tuyau de descente. Pas de saillies. Mais il y avait le lierre qui tapissait inégalement le mur. Et si ce lierre était suffisamment solide…
Il s'approcha pour tâter les branches noueuses, à travers le rideau des feuilles. Quoi! Il ne s'agissait que d'une ascension de trois mètres, quatre au plus. Il se suspendit à une branche, en éprouva de tout son poids la solidité. Cela tenait, mais les feuilles s'agitaient violemment et faisaient comme un envol de pigeons. Tant pis pour le bruit!
La folle équipée