Читаем Les pistolets de Sans Atout полностью

La suspension était si souple, le bruit des roues si feutré, qu'il était impossible de se faire une idée de la nature du sol. Bientôt, François perdit toute notion de déplacement. Il songea, un instant, à entrebâiller la malle, mais il se ravisa. Il serait bientôt repéré et comme, d'autre part, il ne connaissait pas du tout Londres, ce qu'il apercevrait du trajet ne le renseignerait pas. Il changea de position, se coucha sur le dos, genoux repliés, et des réflexions sinistres commencèrent à l'assaillir. Il s'était lancé, tête basse, dans cette aventure, poussé – il se l'avouait maintenant – par une curiosité qui n'avait rien à voir avec les raisons qu'il s'était données. En réalité, il voulait savoir et voilà tout. Le mystère l'attirait, comme la flamme attire le papillon. Mais le papillon s'y brûle. C'était peut-être un sort aussi cruel qui l'attendait!

Un cahot lui écrasa les genoux contre la tôle. Il se replia sur le côté, le nez contre le pneu de la roue de secours. Il avait de plus en plus chaud. Le bandit, les bandits plutôt, car on avait sans doute affaire à une bande, n'hésiteraient pas à le tuer. Sa photographie paraîtrait dans les journaux, sous le titre: On recherche… Il se voyait mort; il imaginait la douleur de ses parents; il avait la gorge nouée d'émotion.

«Je deviens idiot, pensa-t-il. Une bande! Miss Mary chef de gangsters!… J'ai lu trop d'illustrés! C'est probablement moins simple et en même temps plus dramatique. Mais alors, quoi?

Il sentit que la voiture franchissait un passage à niveau; une sonnerie grêle retentissait quelque part. Un poids lourd grondait, juste derrière la Daimler. Puis la voiture prit du champ et augmenta sa vitesse. Elle se trouvait sur une route plantée d'arbres, ce qui produisait un sifflement saccadé. Ensuite, elle vira dans un chemin plein d'ornières. L'eau giclait en claques sonores sur la carrosserie. De temps en temps, des cailloux produisaient une détonation vibrante, en ricochant sur les ailes.

– On doit approcher, se dit Sans-Atout. Il y a bien quarante-cinq minutes qu'on roule.

Des crampes naissaient dans ses mollets. Il se massa tant bien que mal. Il ne savait plus comment se tenir et son visage ruisselait. Il pensa aux chiens, que les chasseurs enferment dans la malle de leurs voitures. S'il chassait un jour, son chien voyagerait près de lui; c'était juré. Une écœurante odeur de gaz brûlés rendait, à la longue, sa respiration de plus en plus pénible. François chercha la serrure de la malle. Tant pis! Mieux valait être vu qu'étouffer! Mais ses doigts hésitaient, palpaient en vain un crochet, des ressorts. Il s'affola soudain. Et s'il était coincé, dans cette oubliette! S'il allait demeurer prisonnier! Il découvrit enfin le minuscule levier qui libérait le couvercle du coffre. A ce moment, la voiture ralentit et stoppa.

Le grand moment était arrivé. La portière claqua. Les pas de Miss Mary s'éloignèrent. Il y eut un grincement rouillé. La grille, pardi! La grille de la maison perdue… Miss Mary revint, remonta dans la Daimler et, au ralenti, s'engagea dans une allée aux graviers craquants. Nouvel arrêt, nouveau grincement. Maintenant, la grille était refermée. La Daimler redémarra.

François suivait sa progression comme sur un écran de cinéma. Il voyait dans sa tête les herbes folles, les massifs, le perron, la maison. Il aurait dû se munir d'une lampe de poche. Mais non, imbécile! Il fait jour! Il avait oublié qu'il devait être trois heures de l'après-midi. Peut-être même y avait-il, maintenant, du soleil! Cela lui rendit confiance. Au fond, il s'était exagéré les risques qu'il courait. Miss Mary allait descendre… Voilà, elle descendait; elle allait gravir le perron… Voilà, ses petits talons résonnaient sur la pierre; elle allait ouvrir avec une clef ou bien elle allait sonner… Non, elle frappait à petits coups; peut-être simplement pour signaler sa présence… Et puis la porte s'ouvrait, se refermait. Silence.

Dans le jardin, un oiseau chantait. François déplaça le levier, et le couvercle, poussé par ses ressorts, se souleva automatiquement. Rapide coup d'œil. Rien de suspect en vue. François ouvrit le couvercle et respira largement. Puis il se déplia à grand-peine. Il était abominablement ankylosé. Il trébucha en posant un pied à terre, et, pour se récupérer, s'obligea à exécuter quelques mouvements d'assouplissement. D'un revers de manche, il essuya son visage en sueur, et regarda l'heure. Quatre heures moins dix. Un pâle soleil dessinait son ombre sur le gravier.

Il ne s'était pas trompé. Il était bien devant la maison de l'homme à l'Austin. Les fenêtres étaient toutes fermées. Il songea à la cuisine qui, la veille, lui avait si opportunément ouvert le passage. Il referma le coffre sans le faire claquer et contourna la maison. Cette fois, la porte de la cuisine était close. Une main au-dessus des yeux, il essaya d'apercevoir, à travers les vitres, l'intérieur de la pièce. Personne. La poignée tourna et la porte s'ouvrit.

Перейти на страницу:
Нет соединения с сервером, попробуйте зайти чуть позже