Читаем Napoléon. L'empereur des rois полностью

C'est le moment où, il le sait, il ne doit pas relâcher son attention, même si la victoire se dessine. Quelle victoire ? Tant de morts. La tristesse l'étreint. Il pense à Marie Walewska, à Joséphine. Il voudrait pouvoir écrire, échapper un instant à la cruauté, mais il se redresse, lance des ordres.

Il faut prévoir le lendemain. Bennigsen va-t-il reculer ou au contraire s'accrocher ?

Il faut penser aux blessés, exiger qu'on leur apporte des secours, qu'on les recueille, tous.

- Tous, répète-t-il.

Il faut s'assurer des distributions de pain et d'eau-de-vie. Mais il sait que rien de cela n'est organisé comme il le faudrait.

À 8 heures du soir, il donne l'ordre qu'on allume les feux de bivouac.

Il quitte le cimetière. Les morts sont partout. Il s'arrête à deux kilomètres d'Eylau, dans une petite ferme. Il s'allonge tout habillé sur un matelas, au coin du poêle. Avant de fermer les yeux, il voit ses aides de camp qui se couchent autour de lui.

Il a l'impression, quand on le réveille le lundi 9 février, vers 9 heures du matin, qu'il n'a pas dormi. Un colonel de chasseurs se tient devant lui. C'est Saint-Chamans, aide de camp de Soult.

- Qu'y a-t-il de nouveau ? demande Napoléon.

Sa voix est sourde. Il le sait. Il est las.

Saint-Chamans répond que les Russes ont commencé leur retraite.

Napoléon se lève. Il respire longuement. Il sort de la ferme. Il a vaincu.

Le ciel est bas. Il fait sombre. Des blessés se traînent sur la route, se soutenant l'un l'autre, certains s'aidant, pour marcher, de leur fusil. Ils avancent tête baissée.

Il les regarde longuement.

Avec les troupes dont il dispose, avec ces hommes accablés, il ne peut pas poursuivre l'ennemi.

Cette victoire est comme le climat de ce pays, lugubre.

Il rentre dans la ferme. Il a besoin d'écrire, de laisser s'exprimer un peu de tendresse dans cet univers de mort. Il sait que Marie Walewska a quitté Varsovie pour Vienne. Il aimerait tant qu'elle soit là, comme une source de vie.

« Ma douce amie,

« Tu auras appris plus que je ne puis t'en dire aujourd'hui sur les événements, quand tu liras cette lettre. La bataille a duré deux jours et nous sommes restés maîtres du terrain.

« Mon cœur est avec toi ; s'il dépendait de lui, tu serais citoyenne d'un pays libre. Souffres-tu comme moi de notre éloignement ? J'ai le droit de le croire ; c'est si vrai que je désire que tu retournes à Varsovie ou à ton château, tu es trop loin de moi.

« Aime-moi, ma douce Marie, et aie foi en ton

« N. »

Il plie et scelle la lettre, puis prend une autre feuille de papier. Il a aussi besoin d'écrire à Joséphine.

« Mon amie, il y a eu hier une grande bataille ; la victoire m'est restée, mais j'ai perdu bien du monde ; la perte de l'ennemi qui est plus considérable encore ne me console pas. Enfin je t'écris ces deux lignes moi-même, quoique je sois bien fatigué, pour te dire que je suis bien portant et que je t'aime.

« Tout à toi.

« Napoléon »

Maintenant il faut parler aux grognards, à ces hommes qui tentent de se réchauffer autour d'un feu de bivouac et dont il aperçoit les silhouettes tassées sur la neige. Jamais il n'a éprouvé un tel sentiment, presque du désespoir, en pensant à ces milliers d'hommes mutilés, broyés, ensevelis.

Il donne des ordres. Il veut retourner vers ce cimetière d'Eylau où il est resté hier, debout sous la mitraille. Il ne peut quitter ce champ de bataille où vingt généraux ont été blessés ou tués, et parmi eux les meilleurs. Il pense à d'Hautpoul, mort comme il l'avait souhaité. Combien d'hommes sont-ils tombés avec lui ? Peut-être vingt mille morts et blessés, et peut-être le double ou le triple chez les Russes ?

Il chevauche lentement sur la neige épaisse, entouré de son état-major. Les forêts de sapins qui entourent le champ de bataille ferment l'horizon, et les nuages d'un ciel noir s'accrochent à leurs cimes.

Des morts partout, des corps nus mêlés à ceux des chevaux, des blessés qui agonisent sur une neige sale, jaunie, rouge de sang. Il ne détourne pas la tête. Il tente d'éviter que les sabots de son cheval ne viennent piétiner des débris humains. Il entend ces appels déchirants qui se prolongent, aigus comme des cris d'oiseau. Des blessés se traînent vers lui, tendent leurs bras, implorent de l'aide.

On crie : « Vive l'Empereur ! » Mais il entend aussi ces voix qui lancent « Vive la paix ! », « Du pain et la paix ! », « Vive la paix et la France ! ».

La France paraît si loin.

Il arrive sur le monticule où les soldats du 14e de ligne, ceux d'Augereau, se sont fait massacrer, aveuglés par la neige. Les corps sont alignés, entassés.

- Ils sont rangés comme des moutons, dit le maréchal Bessières.

Napoléon se retourne avec vivacité. Il a les yeux rougis.

- Des lions, comme des lions, dit-il, les dents serrées.

Lorsqu'il voit que les soldats du 43e de ligne ont accroché à leurs aigles des crêpes noirs, il se dresse sur ses étriers.

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