Il dicte, évoque la destruction prématurée du pont sur l'Elster.
« On ne peut encore évaluer les pertes occasionnées par ce malheureux événement, indique-t-il. Mais les désordres qu'il a portés dans l'armée ont changé la situation des choses : l'armée française victorieuse arrive à Erfurt comme y arriverait une armée battue. »
Il hésite quelques instants, puis il poursuit :
« L'ennemi qui avait été consterné des batailles du 16 et du 18 a repris par le désastre du 19 du courage et l'ascendant de la victoire. L'armée française, après de si brillants succès, a perdu l'ascendant de son attitude victorieuse. »
Il ne sort pas. Il ne dort pas. Parfois il s'approche de la croisée et regarde passer ces fuyards qui se traînent, épuisés.
Lorsqu'un aide de camp apporte une dépêche, il va lentement jusqu'à lui. Il ne peut y avoir de bonne nouvelle. C'est l'avalanche de la fatalité noire.
Il ne ressent ni désespoir ni angoisse. Quand le destin est contraire, ou bien on l'accepte, ou bien l'on meurt ou l'on se bat. Tout le reste est lâcheté. Et il n'a jamais pleurniché sur son sort.
Il demande qu'on lui apporte une grande carte d'Allemagne. Il entoure d'un trait les places fortes tenues par des garnisons françaises. Si ces troupes se replient sur Hambourg, Davout, qui contrôle la place, pourrait avoir à sa disposition cent mille hommes qui rejoindraient le Rhin par l'Allemagne du Nord.
Il marche d'un pas vif dans la pièce. En quelques jours, avec une telle manœuvre, il pourrait retourner la situation.
Il imagine les coalisés entrant en France, « brûlant deux ou trois de mes bonnes villes. Cela me donnerait un million de soldats. Je livrerais bataille. Je la gagnerais. Et je les mènerais tambour battant jusqu'à la Vistule ».
Il faut qu'il insuffle cette volonté aux armées.