En peu de temps, Etienne était devenu célèbre à Jérusalem pour ses actes presque miraculeux. Considéré comme l'élu du Christ, en quelques mois, son attitude résolue et sincère obtenait les plus vastes conquêtes pour l'Évangile de l'amour et du pardon. Ses nobles efforts ne se limitaient pas à atténuer la faim des désemparés. Parmi les apôtres galiléens, ses paroles brillaient lors des prêches à l'église, illuminées par sa foi ardente et pure. Quand presque tous les compagnons, sous prétexte de ne pas blesser de vieux principes établis, évitaient de faire des commentaires en public ; passant outre les considérations flatteuses vis- à-vis du judaïsme dominant, Etienne présentait courageusement à la foule, le Sauveur du monde dans la gloire des nouvelles révélations divines, indifférent aux luttes qu'il pouvait provoquer en commentant la vie du Maître avec son verbe enflammé de lumière. Les disciples eux-mêmes étaient surpris par la magie de ses profondes inspirations. En âme fortifiée à la forge sublime de la souffrance, son exhortation était pleine de larmes et de joies, d'appels et d'aspirations.
En quelques mois, son nom était auréolé d'une vénération surprenante. Et à la fin du jour quand arrivaient les prières de la nuit, le jeune homme de Corinthe, aux côtés de Pierre et de Jean, parlait de ses visions et de ses espoirs, plein de l'esprit de ce Maître adorable qui, à travers son Évangile, avait semé dans son cœur les étoiles bénies d'une joie infinie.
SUR LA ROUTE DE JOPPÉ
Nous sommes dans la vieille Jérusalem par un matin clair de l'année 35.
Dans un solide édifice où tout transpire le confort et le luxe de l'époque, un homme encore jeune semble attendre impatiemment quelqu'un qui a du retard. À la moindre rumeur de la voie publique, empressé, il court à la fenêtre, puis se rassoit et regarde indifférent des papyrus et des parchemins comme s'il s'amusait à tuer le temps.
Arrivé en ville après une semaine d'un voyage exhaustif, Sadoc attendait son ami Saûl pour l'étreindre amicalement et lui témoigner sa vieille amitié.
Peu après un petit véhicule, comparable aux biges romaines, tiré par deux magnifiques chevaux blancs franchît la porte. Quelques minutes plus tard, nos deux personnages se saluèrent avec effusion, débordant de joie et de jeunesse.
Le jeune Saûl portait en lui toute la vivacité d'un homme célibataire, avoisinant la trentaine. Sur son visage plein de virilité et d'une beauté masculine, les traits Israélites étaient surtout présents dans son regard profond et perçant, propre aux tempéraments passionnés et indomptables, riches d'acuité et de résolution. Vêtu d'une tunique du patriciat, il parlait de préférence le grec qu'il avait appris à apprécier dans sa ville natale à travers ses maîtres favoris, étudiés dans les écoles d'Athènes et d'Alexandrie.
Quand es-tu arrivé ? - a demandé Saûl avec bonne humeur à son visiteur.
Je suis à Jérusalem depuis hier matin. D'ailleurs, j'y étais avec ta sœur et ton beau- frère qui m'ont donné de tes nouvelles avant de partir pour Lydde.
Et comment va ta vie à Damas ?
Très bien comme toujours.
Avant qu'il n'ait eu le temps de réfléchir, l'autre lui dit :
Mais comme tu as changé !... Une voiture à la romaine, ta conversation en grec et...
Saûl, néanmoins, ne le laissa pas continuer et conclut :
Et la Loi dans mon cœur toujours aussi désireux de soumettre Rome et Athènes à nos principes.
Toujours le même homme ! - s'exclama son ami d'un sourire franc. - D'ailleurs, je peux ajouter un complément à tes explications. La bige est indispensable à tes visites rendues à une maisonnette fleurie sur la route de Joppé ; et ta conversation en grec est nécessaire aux entretiens que tu as avec une descendante légitime d'Issacar, née entre les fleurs et les marbres de Corinthe.
Comment sais-tu cela ? - a demandé Saûl surpris.
Mais ne t'ai-je pas dit qu'hier après-midi, j'étais avec ta sœur ?
Confortablement installés dans des fauteuils de l'époque, tous deux poursuivirent leur conversation arrosée de quelques petits verres de ce capiteux vin de « Chypre ». Ils abordèrent longuement les problèmes de leur vie personnelle tout en se référant aux petits événements quotidiens.