« Ses disciples aimés viendront de toutes parts. Sans sa lumière, il y aura toujours la tempête pour le voyageur hésitant sur terre qui, sans le Christ, tombera vaincu dans les batailles ingrates et destructrices des meilleures énergies du cœur. Seul son Évangile confère la paix et la liberté. C'est le trésor du monde. Dans sa gloire sublime les justes trouveront la couronne du triomphe, les malheureux la consolation, les tristes la force de l'entrain, les pécheurs le sentier rédempteur du secours miséricordieux.
« Il est vrai que nous ne l'avions pas compris. Par son grand témoignage, les hommes n'avaient pas deviné sa divine humilité et ceux qui lui étaient les plus proches l'abandonnèrent. Ses plaies clamaient notre indifférence criminelle. Personne ne pourra s'exempter de cette faute, car nous sommes tous les héritiers de ses dons célestes. Là où tous jouissent du bénéfice, personne ne peut fuir sa responsabilité. Voilà la raison pour laquelle nous répondons pour le crime du Calvaire. Mais ses blessures ont été notre lumière ; ses martyres, le plus ardent appel d'amour ; son exemple, le manuscrit ouvert au bien sublime et immortel.
« Venez, donc, communier avec nous à la table du banquet divin ! Non plus aux fêtes du pain périssable, mais à l'éternel aliment de la joie et de la vie... Non plus pour boire le vin qui fermente, mais le nectar réconfortant de l'âme dilué dans les parfums de l'amour immortel.
« Le Christ est à l'origine de notre liberté. Un jour viendra où son royaume inclura les enfants de l'Orient et de l'Occident dans un mouvement de fraternité et de lumière. Alors, nous comprendrons que l'Évangile est la réponse de Dieu à nos appels, face à la Loi de Moïse. La Loi est humaine ; l'Évangile est divin. Moïse est le conducteur ; le Christ, le Sauveur. Les prophètes ont été des serviteurs fidèles ; Jésus, lui, est le Seigneur de la vigne. Avec la Loi, nous étions des serfs ; avec l'Évangile, nous sommes les enfants libres d'un Père aimant et juste !... »
A ce moment-là, Etienne a cessé de prononcer les paroles qui coulaient harmonieuses et vibrantes de ses lèvres, inspirées des plus purs sentiments. Les auditeurs de toutes tendances confondues ne réussissaient pas à cacher leur étonnement face à de telles révélations. La foule était ivre des principes exposés. Les mendiants, rassemblés là, adressaient au prédicateur un sourire d'approbation plein de jubilants espoirs. Jean le fixait de ses yeux attendris, identifiant, une fois de plus, dans ses propos ardents le message évangélique interprété par un disciple attaché au Maître inoubliable, jamais absent pour ceux qui se réunissent en son nom.
Émotif de tempérament, Saûl de Tarse s'associait à la vague d'étonnement général. Bien qu'extrêmement surpris, il nota la différence entre la Loi et l'Évangile annoncé par ces hommes étranges que sa mentalité ne pouvait comprendre. Rapidement, il analysa le danger que les nouveaux enseignements représentaient pour le judaïsme dominant. Malgré leur résonance d'une mystérieuse beauté, les propos évoqués le révoltèrent. Pour lui, il fallait éliminer la confusion qui s'esquissait à propos de Moïse. La Loi était fondamentale et unique. Ce Christ qui dominait dans la défaite entre deux voleurs, apparaissait à ses yeux comme un mystificateur indigne de toute considération. La victoire d'Etienne dans la conscience populaire, comme il pouvait le remarquer à cet instant, lui causait une grande indignation. Ces Galiléens pouvaient être miséricordieux, mais ils n'en étaient pas moins criminels par la subversion des principes inviolables de la race exposée.
L'orateur se préparait à reprendre la parole, momentanément interrompue et attendue avec espoir à la joie générale, quand le jeune docteur s'est impudemment levé et s'exclama, presque colérique, s'exprimant avec une évidente ironie.
- « Charitables Galiléens, où est le sens de vos principes étranges et absurdes ? Comment osez-vous proclamer la fausse suprématie d'un Nazaréen obscur sur celle de Moïse dans Jérusalem même, là où se décident les destins des tribus d'Israël invincible ? Qui était ce Christ ? N'était-ce pas un simple charpentier ? »