En ce qui concerne l'Évangile - a répliqué Étienne -je vous ai déjà offert les éléments dont vous pouvez disposer, en élucidant ce que j'ai à ma portée. Quant au reste, cet humble temple est une construction de foi et non de justes casuistiques. Jésus a pris la peine de recommander à. ses disciples de fuir les germes des discussions et des discordes. Voilà pourquoi il ne serait pas licite de perdre du temps à des conflits inutiles quand le travail du Christ demande nos efforts.
Toujours le Christ ! Toujours l'imposteur ! - a tonné Saûl révolté. - Mon autorité est insultée par votre fanatisme dans cette enceinte de misère et d'ignorance. Mystificateur, vous rejetez l'occasion que je vous offre de vous expliquer ; Galiléen inculte, vous ne voulez pas considérer ma noble demande de défi. Je saurai venger la Loi de Moïse que vous piétinez. Vous refusez mon intimation, mais vous ne pourrez fuir ma vengeance. Vous apprendrez à aimer la vérité et à honorer Jérusalem en renonçant à l'insolent Nazaréen qui a payé sur la croix ses délires criminels. Je ferai appel au Sanhédrin pour que vous soyez jugé et puni. Le Sanhédrin a l'autorité requise pour annihiler vos hallucinations condamnables.
Tout en concluant par ses mots, il semblait pris de fureur. Mais même ainsi, il n'a pas réussi à perturber le prédicateur qui lui a répondu l'esprit serein :
Ami, le Sanhédrin a mille moyens de m'affliger, mais je ne lui reconnais pas le pouvoir de m'obliger à renoncer à l'amour de Jésus-Christ.
Une fois qu'il eut dit cela, il est descendu de la tribune avec la même humilité et ne se laissa pas émouvoir par le mouvement d'approbation que lui adressaient les enfants du malheur qui l'avaient écouté se présenter comme défenseur des espoirs sacrés.
Quelques protestations isolées se firent entendre. Des pharisiens irrités vociféraient des insolences et des insinuations. La foule s'agitait laissant prévoir une confrontation imminente ; mais avant qu'Etienne n'ait eu le temps de faire dix pas vers l'intérieur auprès de ses compagnons, et avant que Saûl n'ait pu l'atteindre avec d'autres objections personnelles et directes, une petite vieille en haillons lui a présenté une jeune fille pauvrement vêtue et s'exclama pleine de confiance :
Seigneur ! Je sais que vous perpétrez la bonté et les œuvres du prophète de Nazareth qui un jour m'a sauvée de la mort malgré mes péchés et mes faiblesses. Aidez-moi à votre tour, par pitié ! Il y a plus d'un an que ma fille est devenue muette. Depuis Dalmanutha, je l'ai amenée jusqu'ici, triomphant d'énormes difficultés, persuadée de votre assistance fraternelle !
Le prédicateur a réfléchi avant tout au danger d'un tel caprice personnel de sa part mais désireux d'aider la suppliante, il a dévisagé la malade avec une sincère sympathie et a murmuré :
Nous, nous n'avons rien, mais il est juste d'attendre du Christ les dons qui nous sont nécessaires. Lui est juste et généreux, il ne t'oubliera pas dans le partage sanctifié de sa miséricorde.
Et comme dominé par une force étrange, il ajouta :
Tu dois parler pour louer le bon Maître !...
À ce moment-là, un fait singulier se produisit qui impressionna brusquement la grande assemblée. Un rayon d'une joie infinie dans les yeux, l'infirme s'est mise à parler :
Je louerai le Christ de toute mon âme, éternellement.
Elle et sa mère, prises d'une forte émotion sont tombées là à genoux et lui ont baisé les mains. Profondément bouleversé, Etienne avait à cet instant les yeux remplis de larmes. Il était le premier à s'émouvoir et à admirer la protection reçue, il n'avait pas d'autre moyen que de traduire l'intensité de sa reconnaissance par des larmes sincères.
Les pharisiens qui s'étaient approchés dans l'intention de compromettre la paix de l'humble enceinte ont reculé stupéfaits. Comme s'ils avaient reçu du ciel du renfort pour prouver le succès de leur pure croyance, les pauvres et les affligés remplirent la salle d'exclamations de sublimes espoirs.