« L'ami, il était dit que la venue du Maître en ce monde en confondrait plus d'un en Israël. Toute l'histoire édifiante de notre peuple est une source de révélation de Dieu. Néanmoins, ne voyez-vous pas par quelles coïncidences merveilleuses la providence a guidé les tribus hébraïques par le passé, la manifestation de l'affection extrême d'un Père désireux de construire le futur spirituel des enfants chers à son cœur ? Avec le temps, nous observons que la mentalité infantile espère trouver des principes éducatifs plus vastes. Ce qui hier était affection, est aujourd'hui énergie originaire des grandes expressions aimantes de l'âme. Ce qui hier était bonté et jeunesse pour nourrir de sublimes espoirs, aujourd'hui peut être tempête, pour apporter la sécurité et la résistance. Même en ce qui concerne la révélation, par le passé nous étions des enfants ; maintenant les hommes et les femmes d'Israël ont atteint la condition d'adultes de la connaissance, le Fils de Dieu a apporté la lumière de la vérité aux hommes en leur enseignant la mystérieuse beauté de la vie avec son grandissement par le renoncement. Sa gloire se résume à nous aimer, comme Dieu nous aime. Pour cette même raison, II n'a pas encore été compris. Pourrions-nous par hasard attendre un sauveur en conformité avec nos intentions mesquines ? Les prophètes affirment que les routes de Dieu peuvent ne pas être les chemins que nous désirons, et que ses pensées ne seront pas toujours en harmonie avec les nôtres. Que dirions-nous d'un Messie qui empoignerait le sceptre disputant les principes de l'iniquité par la gloire de sanglants triomphes ? La terre par hasard ne serait-elle pas saturée aujourd'hui de batailles et de cadavres ? Demandez à un général romain combien lui a coûté de dominer le village le plus obscur ; consultez la liste noire des triomphateurs selon nos idées erronées de la vie. Israël ne pourrait jamais attendre un Messie qui s'exhiberait sur un char de gloires spectaculaires au plan matériel, susceptible d'être renversé aux premières embûches du chemin. Ces expressions transitoires appartiennent au scénario éphémère où la pourpre la plus fulgurante tourne à la poussière. À l'inverse de tous ceux qui ont prétendu enseigner la vertu en se reposant dans la satisfaction de leurs propres sens, Jésus a exécuté sa tâche parmi les plus simples et les plus démunis, où très souvent se trouvent les manifestations du Père qui éduque par l'espoir insatisfait et les douleurs qui habitent l'existence humaine du berceau à la tombe. Le Christ a construit, parmi nous, son royaume d'amour et de paix sur des bases divines. La lumière éternelle de son exemple est projetée dans l'âme humaine ! Comprenant tout cela, comment pourrait-on identifier l'Émissaire de Dieu à un prince belliqueux ? N'est-ce pas ! L'Évangile est amour dans son expression la plus sublime. Le Maître s'est laissé immoler en nous transmettant l'exemple de la rédemption par l'amour le plus pur. Berger d'un immense troupeau, Il ne veut pas perdre un seul de ses moutons bien-aimés, ni ne décide de la mort du pécheur, le Christ est vie, et le salut qu'il nous a apporté se trouve dans l'occasion sacrée de notre élévation comme fils de Dieu en pratiquant ses glorieux enseignements. »
Après une courte pause, le docteur de la Loi se levait déjà pour répondre quand Etienne a continué :
« Et maintenant, mes frères, je vous demande la permission de conclure. Si je ne vous ai pas parlé comme vous le souhaitiez, je vous ai parlé comme l'Évangile nous le conseille révélant à moi-même l'intime condamnation de mes grands défauts. Que la bénédiction du Christ soit avec vous tous. »
Avant qu'il n'ait pu quitter la tribune pour se mêler à la foule, le futur rabbin s'est subitement levé et lui fit furieux :
J'exige que tu continues ton sermon ! Que le prédicateur attende car je n'ai pas fini ce que j'ai à dire.
Etienne lui a répondu calmement :
Je ne pourrai discuter.
Pourquoi ? - a demandé Saûl très irrité. - Je t'y oblige, tu dois continuer.
Ami - a élucidé l'interpellé calmement - le Christ nous a conseillé de donner à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Si vous avez quelque accusation légale contre moi, exposez-la sans crainte et je vous obéirai ; mais pour ce qui appartient à Dieu, il n'y a que Lui pour me récriminer.
Son esprit de résolution et de sérénité était si élevé qu'il a presque déconcerté le docteur du Sanhédrin qui comprit alors que l'impulsivité uniquement ne pourrait nuire à la clarté de sa pensée ; il a donc ajouté plus calme, malgré le ton impérieux qui laissait transparaître toute son énergie :
Mais je veux élucider les erreurs de cette maison. J'ai besoin de questionner et vous devez me répondre.