Je le jure - a répondu le jeune homme humblement.
Devant cette affirmation catégorique qui transparaissait de son regard sincère et à l'inflexion de sa voix impressionnante et triste, le docteur de la Loi s'est considéré satisfait, ordonnant de jeter le prisonnier en prison.
Deux jours plus tard, le jeune tarsien convoquait une réunion au Sanhédrin à laquelle il donna une singulière importance. Sans exception, ses collègues ont accouru à l'appel. Une fois les travaux ouverts, le docteur de Tarse a expliqué les raisons de sa convocation.
Mes amis - a-t-il déclaré avec zèle -, depuis quelques temps nous nous réunissons pour examiner le caractère de la lutte religieuse en vigueur à Jérusalem face aux activités des partisans du charpentier de Nazareth. Heureusement, notre intervention est arrivée à temps afin d'éviter de grands maux, étant donné l'astuce des faux thaumaturges venus de Galilée. Ce fut au prix de grands efforts que l'atmosphère s'est dissipée. Il est vrai que les prisons de la ville débordent, mais la mesure est justifiée, car il est indispensable de réprimer l'instinct révolutionnaire des masses ignorantes. La dite église du « Chemin » a restreint ses activités d'assistance aux souffrants abandonnés. Nos quartiers les plus pauvres sont en paix. La sérénité est revenue dans nos tâches au sein du Temple. Néanmoins, on ne peut en dire de même concernant les villes voisines. Mes consultations auprès des autorités religieuses de Joppé et de Césarée ont attiré mon attention sur les émeutes intentionnellement provoquées par les adeptes du Christ portant sérieusement préjudice à l'ordre public. Non seulement dans ces secteurs nous devons développer des actions purificatrices, mais je reçois aussi des nouvelles alarmantes de Damas qui exigent des mesures immédiates. De dangereux éléments s'y trouvent. Un vieillard, du nom d'Ananie, perturbe la vie de ceux qui ont besoin de paix dans les synagogues. Il n'est pas normal que le plus haut tribunal de la race se désintéresse des collectivités Israélites dans d'autres localités. Je propose donc d'élargir le bénéfice de cette campagne à d'autres villes. À ces fins, j'offre à tous mes services personnels, sans charge additionnelle pour la maison que nous servons. Les documents nécessaires me suffiront pour actionner toutes les mesures qui me semblent nécessaires, incluant celle de la peine de mort quand cela sera jugé indispensable et opportun.
La proposition de Saûl fut bien reçue et largement approuvée. Les applaudissements unanimes de l'assemblée restreinte en poussèrent même certains à proposer un vote spécial pour louer son zèle vigilant. Il manquait au cénacle la pondération d'un Gamaliel, et le sacerdote suprême, contraint par l'approbation générale, n'a pas hésité à accorder les lettres requises qui donnaient suffisamment d'autorité à Saûl pour agir sans restriction. Les participants ont étreint le jeune rabbin en faisant largement l'éloge de son esprit sagace et énergique. À l'évidence, avec l'émancipation politique d'Israël, cette mentalité jeune et vigoureuse était le meilleur gage d'un plus grand avenir. Saûl de Tarse qui était la cible des références encensées et stimulatrices de la part de ses amis, avivait l'orgueil de sa race pleine d'espoirs en les jours à venir. En vérité, il souffrait amèrement de la ruine des rêves de sa jeunesse et employait la solitude de son existence dans les luttes qu'il considérait comme étant sacrées, au service de Dieu.
En possession des lettres qui lui permettraient d'agir conformément à sa volonté en coopération avec les
Synagogues de Damas, il accepta de partir avec trois hommes respectables qui s'étaient offerts pour l'accompagner en qualité de serviteurs très proches.
Au bout de trois jours, la petite caravane avait quitté Jérusalem pour se diriger vers la grande plaine de Syrie.