Читаем Переписка 1992–2004 полностью

Приложение 1 APRÈS LA TECHNIQUE

Le titre de ma communication prête à équivoque; je vais donc commencer par en fixer le sens précis. Puis j’exposerai pourquoi il me paraît bon, par‑delà l’équivoque, d’aborder de cette manière la “question de la technique”.

“Après la technique”, voilà ce qui s’entend spontanément dans le sens de la succession, comme lorsqu'on dit: «après la pluie, le beau temps». Le titre ainsi compris, on s’attend à ce que soit envisagé: ce qui viendra après la technique.

Or ce n’est pas du tout ainsi qu’il faut entendre mon titre — et d’abord pour la simple raison qu’il n'y aura pas d’après la technique en ce sens‑là! Si la technique est bien un phénomène qui connaît incontestablement un “avant”, il ne peut y avoir un “après” elle (ce qui, à supposer que nous soyons suffisamment capables d’en appréhender l’indication, devrait déjà nous donner suffisamment à penser). Il n’y aura pas quelque chose pour faire suite à la technique parce qu’il s’agit avec cette dernière d’un phénomène éminent d’irréversibilité. Peut—être faudrait‑il d’emblée préciser que ce mot de “phénomène”, lui non plus, n’a pas ici l’acception courante d’événement manifestement extraordinaire. “Phénomène” doit s’entendre au contraire comme invite à le prendre Heidegger, c’est—à-dire comme: ce qui, pour parvenir pleinement en vue, requiert une phénoménologie — c’est- à—dire une pleine attention, axée notamment sur le souci qu’il convient de déployer pour accueillir non procustement ce qui demande à être pris en vue — pour s’y prendre avec lui sans le soumettre à un traitement qui le mutile (que ce soit par écartèlement ou par retranchement), de telle sorte qu’il puisse enfin, ce phénomène, apparaître tel qu’il est en lui‑même. En ce sens défini, le phénomène de la technique demande un type de questionnement lui‑même unique.

Plutôt que de nous occuper dès à présent du rapport de ce phénomène au temps, revenons‑en à ce qui motive le libellé de mon titre.

“Après”, en effet, n’y a pas l’acception du latin “post’ (ceci, puis cela); il garde son acception originale, celle de notre adverbe “auprès”. Ainsi entendu, “après” est comme l’indice d’un mouvement, et plus exactement encore: d’un mouvement de rapprochement; avec cette nuance importante que le mouvement s’efforce de parvenir à se rapprocher de ce dont, au départ, il est loin. Dans la langue populaire, laquelle parle sous l’urgence, qui se renouvelle heureusement en permanence, de redonner sans cesse à voir ce qui est dit, cette nuance est très présente. Dire: “courir après quelqu’un” signale d’emblée que la course en question a lieu relativement à quelqu’un qui, peu importe si c’est à dessein ou non, ne cesse de rester éloigné.

C’est pour rappeler une particularité apparemment peu notée du titre allemand de la conférence de Heidegger dont nous commémorons le cinquantenaire, que j’intitule ma communication “Après la technique”.

Cette conférence, prononcée le 18 novembre 1953, porte le titre: “Die Frage nach der Technik” — où “nach der Technik” a bien l’acception que je viens de dire: “après la technique” — dans la mesure où le questionnement s’y met en quête de la technique, phénomène auprès duquel, malgré les apparences, nous ne sommes pas du tout au départ.

Dans notre langue, parler de question conduit à ce que l’on formule: une question sur… (on s’interroge ainsi sur l’existence de Dieu, sur l’importance des ressources naturelles, etc.). En allemand, poser une question implique qu’elle soit formulée à l’aide de la préposition “nach”, laquelle dérive de l’adjectif “nah” (le “proche”), ce qui ouvre en quelque sorte la dimension où pourra éventuellement se produire une approche de ce que l’on cherche à connaître.

Перейти на страницу:

Все книги серии Тетрадки Gefter.Ru

Нет соединения с сервером, попробуйте зайти чуть позже