Le titre de ma communication prête à équivoque; je vais donc commencer par en fixer le sens précis. Puis j’exposerai pourquoi il me paraît bon, par‑delà l’équivoque, d’aborder de cette manière la “question de la technique”.
“Après la technique”, voilà ce qui s’entend spontanément dans le sens de la
Or ce n’est pas du tout ainsi qu’il faut entendre mon titre — et d’abord pour la simple raison qu’il n'y aura pas d’après la technique en ce sens‑là! Si la technique est bien un phénomène qui connaît incontestablement un “avant”, il ne peut y avoir un “après” elle (ce qui, à supposer que nous soyons suffisamment capables d’en appréhender l’indication, devrait déjà nous donner suffisamment à penser). Il n’y aura pas quelque chose pour faire suite à la technique parce qu’il s’agit avec cette dernière d’un phénomène éminent d’irréversibilité. Peut—être faudrait‑il d’emblée préciser que ce mot de “phénomène”, lui non plus, n’a pas ici l’acception courante d’événement manifestement extraordinaire. “Phénomène” doit s’entendre au contraire comme invite à le prendre Heidegger, c’est—à-dire comme: ce qui, pour parvenir pleinement en vue, requiert une
Plutôt que de nous occuper dès à présent du rapport de ce phénomène au temps, revenons‑en à ce qui motive le libellé de mon titre.
“Après”, en effet, n’y a pas l’acception du latin
C’est pour rappeler une particularité apparemment peu notée du titre allemand de la conférence de Heidegger dont nous commémorons le cinquantenaire, que j’intitule ma communication “Après la technique”.
Cette conférence, prononcée le 18 novembre 1953, porte le titre: “Die Frage nach der Technik” — où “nach der Technik” a bien l’acception que je viens de dire: “après la technique” — dans la mesure où le questionnement s’y met en quête de la technique, phénomène
Dans notre langue, parler de question conduit à ce que l’on formule: une question sur… (on s’interroge ainsi sur l’existence de Dieu, sur l’importance des ressources naturelles, etc.). En allemand, poser une question implique qu’elle soit formulée à l’aide de la préposition “nach”, laquelle dérive de l’adjectif “nah” (le “proche”), ce qui ouvre en quelque sorte la dimension où pourra éventuellement se produire une approche de ce que l’on cherche à connaître.