Читаем Piège pour Catherine полностью

De même que leurs hommes, la veille au soir, ces dames s'attendrissaient de ce qu'elle fût si frêle pour une si lourde tâche, mais on la savait capable de tous les miracles. N'avait-elle pas été chercher son mari jusque dans le palais d'un sultan infidèle et ne l'avait-elle pas ramené, guéri, quand chacun savait bien qu'il s'était enfui d'une maladrerie ? Personne n'avait voulu croire, à Montsalvy, que messire Arnaud n'était pas vraiment lépreux. Pour tous, il était un miraculé et ce miracle il le devait sans doute à la grande charité de Monseigneur saint Jacques, mais aussi à l'amour indomptable de Dame Catherine.

On l'aimait pour sa beauté, pour sa gentillesse et pour son courage, mais aussi pour cet amour extraordinaire, digne du plus beau des romans de chevalerie, qu'elle avait su inspirer et rendre au centuple. Et il n'était aucune des femmes pressées autour d'elle qui n'entendît encore résonner au fond de sa mémoire la voix hargneuse de Bérault d'Apchier prophétisant la fin d'Arnaud de Montsalvy.

Toutes s'en inquiétaient secrètement, partageant l'angoisse qu'elles devinaient ancrée au cœur de la jeune femme, mais toutes aussi lui savaient gré d'avoir assez de vaillance pour la dissimuler et pour leur sourire, comme elle le faisait à cette minute en répondant à leurs questions.

Ce n'était pas facile. Elles parlaient toutes à la fois, voulant savoir si l'ennemi avait achevé l'investissement, s'il semblait préparer une attaque prochaine, si ses forces étaient aussi imposantes qu'on le supposait.

Cependant, Gauberte, grâce à sa voix vigoureuse, parvint à reprendre le dessus.

— C'est pas tout ça, fit-elle, mais la vilaine fin du pauvre frère Amable n'arrange pas nos affaires. Il faudrait peut-être penser à envoyer quelqu'un d'autre, un nouveau messager.

— Et comment tu l'enverras, ton messager, objecta Babet Malvezin, maintenant qu'on ne peut plus ouvrir une porte sans risquer une volée de flèches ? Par-dessus les murailles en priant le Bon Dieu qu'il retombe assez loin ?

Gauberte haussa les épaules et cria, superbement dédaigneuse :

— Il y a le souterrain du château, pauvre tête en l'air ! À quoi il servirait, si ce n'est dans une circonstance comme voilà ?...

En effet, lorsque Catherine et l'abbé Bernard avaient reconstruit, aux portes mêmes de Montsalvy, l'antique château du Puy de l'Arbre, ils n'avaient pas manqué de le faire doter par leurs maîtres d'œuvre de cette vieille assurance que constituait, en cas d'investissement, un souterrain de dégagement. Comme cela s'était pratiqué depuis des siècles, le passage secret partait du donjon et rejoignait la campagne où il débouchait à l'abri de rochers et de broussailles auxquels on avait pris soin de laisser tout leur naturel.

Dans son genre, le souterrain était une manière de chef-d'œuvre, car on l'avait nanti intérieurement de défenses vigoureuses au cas où l'ennemi, en ayant découvert l'issue cachée, tenterait par ce moyen de s'introduire jusqu'au cœur de la place. Mais il était bien évident que ce genre de renseignements n'était pas fait pour être claironné sur les toits.

D'un geste, Catherine fit signe à la toilière de parler plus bas, puis jeta, très vite :

— Nous y avons pensé mais, par grâce, Gauberte, ne criez pas si fort. On pourrait vous entendre.

— Et qui donc, not' Dame ? L'ennemi ne se cache tout de même pas dans nos maisons.

— Non, sourit Catherine, mais votre voix porte loin, ma chère amie. Vous pourriez, comme la Pucelle, conduire des armées et d'ailleurs je sais qu'elle est votre modèle très vénéré...

Un vacarme de coups de marteau lui coupa la parole. Il venait de l'une des maisons proches de la fontaine, celle qu'occupait Augustin, le père adoptif d'Azalaïs. Par la porte de son atelier, ouverte en grand malgré le froid humide, on pouvait voir voler les copeaux.

Catherine se tourna vers la dentellière :

— Votre père travaille avec ardeur, à ce que l'on dirait. Que fait-il donc ?

— Un cercueil. Le premier... celui du frère Amable !

— Le premier ? Espère-t-il qu'il y en aura d'autres ?

Azalaïs eut un lent sourire mais son regard aigu

s'attarda sur la châtelaine avec une insolence à peine voilée.

— Il y en aura beaucoup d'autres et vous le savez bien, Dame Catherine ! Que le siège dure ou que la ville soit bientôt emportée, mon père ne manquera pas de travail. Vous savez bien qu'ils seront nombreux ceux qui vont mourir à cause de vous.

Un silence tomba comme un voile de brume. Catherine se demandait si elle avait bien entendu. Quant à Gauberte et ses amies, elles s'entre-regardaient, incapables d'en croire leurs oreilles. Mais la châtelaine se reprit vite et fronçant les sourcils :

— Qu'entendez-vous par là ?

Rien d'autre que ce qu'a dit le seigneur d'Apchier... ou ai-je mal compris ? Ce qu'il veut, Dame Catherine, c'est de l'or... et c'est vous !

De l'or, vous pourriez lui en donner sans doute, mais vous ? C'est donc bien pour vous garder que les hommes d'ici vont mourir ? Vous seule... puisque messire Arnaud ne doit plus revenir.

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