Читаем Quelqu'un marchait sur ma tombe полностью

— Pour rien, soupira Paulo en lâchant le journal. Sous le dernier dessin il y avait écrit bis morgen et je me demandais ce que ça signifiait. Ces trucs-là sont aussi ballots en Allemagne que chez nous.

Elle marcha brusquement sur lui avec une détermination qui l’inquiéta. D’un geste brusque elle releva la manche de Paulo pour dégager la montre du petit homme. Paulo comprit et arrondit le bras pour lui faciliter la lecture du cadran. Lisa regarda l’heure et il y eut soudain comme un trait d’ombre dans ses yeux. Elle lâcha le poignet de Paulo et s’en fut s’asseoir sur l’une des banquettes crevées. Paulo la rejoignit et lui mit gentiment la main sur l’épaule.

— Essayez de penser à autre chose, conseilla-t-il.

— À quoi ? demanda Lisa.

— À n’importe quoi, sauf à ça.

— Vous pensez à autre chose, vous ? insista la jeune femme sincèrement intéressée.

Par instants, Paulo avait des mimiques inattendues qui lui déformaient entièrement le visage, faussaient le volume de sa tête et brouillaient ses traits. On eût dit que sa figure était en caoutchouc malléable et qu’il pouvait lui faire prendre les formes les plus incroyables.

— J’ai une recette pour quand ça ne va pas, affirma-t-il. Je me mets à penser au mont Blanc. Au mont Blanc sous la lune.

Il se tut pour la regarder, constata qu’elle était intéressée et reprit :

— Le mont Blanc sous la lune, vous avez déjà vu ça, Lisa ?

— Non, dit Lisa.

— Moi non plus, ajouta Paulo. J’ai déjà vu le mont Blanc, j’ai souvent vu la lune, mais jamais les deux ensemble. On rate un tas de choses…

Elle le considéra avec un certain mépris. Il venait de la décevoir. Elle espérait quelque chose de lui, quelque chose d’apaisant qu’il ne lui avait pas apporté et qu’il lui avait promis inconsidérément. Paulo eut honte de sa déception. Il avait vécu beaucoup d’instants critiques au cours de son existence tumultueuse ; chaque fois il avait surmonté le coup grâce à son sang-froid. Lorsque les choses tournaient mal, il devenait extraordinairement lucide et indifférent ; mais ce jour-là, à cause de cette fille, il n’arrivait pas à se contrôler pleinement.

— Qu’est-ce que c’est que ce chantier, là-bas, avec l’énorme pont-roulant ? demanda-t-il pour dire quelque chose.

— Un chantier ! riposta hargneusement Lisa.

Machinalement elle regarda dans la même direction que lui. Dans la grisaille, des lampes à arc crépitaient. Leurs flammes bleutées semblaient s’enfoncer dans d’énormes plaques d’acier et le métal rougeoyait comme des chairs meurtries.

Des silhouettes en combinaisons jaunes s’agitaient sur un rythme que l’éloigneraient faisait paraître désordonné.

— C’est joli toutes ces lampes à souder, apprécia Paulo. Ça me fait penser au Palais des Sports. On voit plein de lueurs d’allumettes dans l’ombre. C’est pas croyable, le nombre de gens qui peuvent fumer. Les cigarettes qui s’éteignent, les cigarettes qui s’allument, c’est comme la vie dans le monde, non ? Enfin, moi je trouve…

Comme elle restait enfermée au fond d’elle-même, farouche et crispée, il poursuivit, en s’efforçant de donner à ses paroles l’aimable chaleur de la banalité :

— On y fabrique quoi, dans ce chantier ? Des bateaux, bien sûr ?

— Bien sûr, fit Lisa de sa voix impitoyable à force d’indifférence.

— Dites donc, celui qui est en cours, ça doit être un drôle de morceau ?

— Ce sera un pétrolier. Je l’ai vu commencer au début de l’année.

Encouragé, Paulo ôta sa cigarette de ses lèvres et regarda faiblir le bout incandescent.

— Dans le fond, dit-il, le travail c’est beau. Seulement il faut le voir d’en haut, comme nous en ce moment. Moi, si je pouvais fabriquer un pétrolier tout seul, peut-être que je travaillerais… Mais le soudeur, avec ses lunettes noires et son arc, vous croyez qu’il a l’impression de fabriquer un pétrolier, lui ?

Lisa soupira :

— Vous m’ennuyez, Paulo. Je n’ai pas envie de parler.

Elle secoua tristement la tête et ajouta :

— Ni d’entendre parler. Je suis avec Frank, vous comprenez ?

— Et moi, alors ! s’emporta le petit homme en crachant son mégot. Vous pensez sérieusement que ça m’amuse de causer ?

Elle prit conscience de son injustice et tendit la main vers lui dans un geste furtif d’imploration.

— Pardon, murmura Lisa, je suis méchante.

Paulo haussa les épaules.

— Non, ça ne m’amuse pas, poursuivit-il. Ça ne m’amuse pas, Lisa. Moi aussi je suis avec Frank.

Ce qu’il ressentait ressemblait à du chagrin émoussé. Cela lui faisait l’effet d’une vieille peine mal oubliée. Ça grinçait au fond de son âme et il avait de la difficulté à respirer normalement.

— Dites, Paulo, vous croyez que ça marchera ?

Elle venait de lâcher sa question d’une voix implorante de petite fille, et il en fut profondément remué.

— Oh ! alors, si vous le prenez comme ça, pesta Paulo en arpentant le bureau à pas rageurs, vous allez nous porter la cerise !

Il revint se planter devant elle, enfonça ses mains dans ses poches pour se donner une attitude et commenta de sa voix lente et acide :

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