Читаем Quelqu'un marchait sur ma tombe полностью

— Quand vous collez la meilleure des montres contre votre oreille, Lisa, elle finit par s’arrêter. Elle s’arrête parce que vous doutez d’elle. Les montres, c’est comme les gens : il faut savoir leur faire confiance. Nous, on a mis une montre au point. Une montre tellement bien réglée qu’un Suisse en crèverait de jalousie. Alors foutons-lui la paix et laissons-la fonctionner.

Il fit claquer sa langue, comme un grumeur de vin.

— Passez-moi une cigarette.

Elle lui présenta le paquet et lui sourit avec reconnaissance. Paulo prit une cigarette.

— Vous, non ? demanda-t-il.

Lisa qui n’y pensait pas en saisit une à son tour et Paulo la lui alluma. Des bourrasques de vent leur apportaient par instants les échos d’un lied allemand. Paulo ouvrit la porte vitrée donnant sur l’extérieur et le lied se fit plus présent. Il écouta un instant, mais les morsures de la pluie le firent reculer et il referma la porte.

— Ce sont des matafs au bar de la douane, expliqua-t-il.

— À quelle heure Gessler a-t-il dit qu’il viendrait ? demanda Lisa.

— À six heures un quart.

— Il n’est pas là.

— Parce qu’il est six heures dix !

Elle se pinça les yeux entre le pouce et l’index. Elle n’avait pas fermé l’œil au cours de la nuit précédente et ses paupières brûlaient son regard comme un fer rouge.

— Vous croyez qu’il viendra ? demanda Lisa.

— Quelle idée !

— J’ai peur qu’il ne flanche ! Gessler a toujours mené une vie si exemplaire !

— Justement, ricana Paulo, les occasions de sortir du droit chemin ne sont pas tellement nombreuses pour un honnête homme ! D’autant plus, ajouta-t-il, que lui doit tout faire par poids et mesure : surtout le mal !

Il se tut en voyant surgir une silhouette derrière la porte vitrée donnant sur l’extérieur. Il n’avait pas entendu vibrer les marches de fer de l’escalier et l’apparition le prenait au dépourvu. Paulo avait horreur d’être pris au dépourvu.

La porte s’ouvrit sur Gessler. C’était un homme d’une quarantaine d’années, blond-gris, très germanique, avec des manières d’homme du monde et une élégance un peu triste parce que légèrement surannée. Il tenait une valise de bazar à la main. La valise neuve et médiocre détonnait. Lisa eut un mouvement de joie en le voyant entrer dans le bureau. Cette venue lui sembla être un heureux présage.

— On parlait de vous, monsieur Gessler, dit Paulo avec humour.

Gessler lui jeta un regard glacé que sa politesse naturelle ne parvenait pas à réchauffer.

Il eut un pâle sourire.

— Dans cette affaire, fit-il, moins on en parlera, mieux cela vaudra.

Puis il s’approcha de Lisa et s’inclina devant elle avec un léger claquement de talons.

— Bonsoir, Lisa.

Elle garda ses mains frileusement blotties au fond de ses poches.

— Quelles sont les nouvelles ? demanda la jeune femme, avec une anxiété vibrante.

Gessler posa la valise sur le bureau à cylindre.

— Les nouvelles auxquelles vous faites allusion ne sont pas encore des nouvelles, dit-il en consultant sa montre. Du moins je ne le pense pas. En ce moment le fourgon sort tout juste de la prison.

Il s’exprimait dans un français irréprochable, mais il avait un assez fort accent que la douceur de sa voix parvenait à atténuer.

— Et s’il y avait un contrordre à la dernière minute ? balbutia Lisa.

— Chez nous, murmura Gessler, les contrordres ne sont jamais donnés à la dernière minute.

— J’ai peur, fit-elle.

Toute sa détresse était contenue dans cet aveu. Paulo et Gessler eurent un même mouvement inachevé pour s’approcher de Lisa. Ils se gênèrent mutuellement et rengainèrent leur compassion.

— En supposant que ça rate, commença-t-elle.

Elle fixait le vieux volet du bureau d’un œil morne.

— C’est une supposition que j’ai beaucoup faite ces derniers jours, assura Gessler.

— Alors ? demanda-t-elle du ton que prend un malade pour questionner son médecin après l’auscultation.

— Alors, fit Gessler, je préfère ne plus la faire au moment où… les choses s’accomplissent !

Et, désignant la valise, il ajouta :

— Voici l’uniforme.

Intéressés, Lisa et Paulo s’approchèrent de la valise. Paulo fit jouer les maigres fermoirs et souleva le couvercle. Il sortit une veste de marin à boutons dorés qu’il tint écartée devant lui, un peu comme l’eût fait un vendeur de grand magasin proposant une marchandise.

— C’est quoi ? demanda-t-il.

— Marine marchande, répondit négligemment Gessler.

— Allemande ? insista Paulo.

— Ça vous choque ? dit Gessler avec un sourire blanc.

Paulo haussa les épaules et lâcha la veste pour puiser une casquette plate dans la valise. Il la coiffa d’un mouvement enfantin, puis il s’approcha de la verrière et chercha son image dans les vitres avec des contorsions cocasses.

— Y a des gars, soupira-t-il, collez-leur cette casquette sur la tronche, ils ressembleront tout de suite à des corsaires.

« Moi, ajouta-t-il, piteux, je ressemble à un facteur.

Il ôta la casquette et la lança adroitement dans la valise ouverte.

— Chacun sa gueule, soupira Paulo, c’est la vie.

Gessler tira de sa poche une sorte de carnet brunâtre sur la couverture duquel luisaient des caractères dorés.

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