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Ils se taisaient depuis un bon moment déjà. Tous trois restaient immobiles et déserts comme des statues. Soudain Lisa esquissa un furtif signe de croix.
— Vous êtes croyante ? demanda Gessler.
— Non, fit Lisa, mais il ne faut rien négliger.
Gessler sourit.
— C’est très français, fit-il.
— Pourquoi ? grogna Paulo.
Gessler ne répondit pas et le petit homme lui jeta un regard charbonneux. Lisa poussa une exclamation qui fit sursauter les deux hommes. D’instinct ils regardèrent au-dehors, mais le port était calme et gris et continuait de se diluer dans une brume où fulguraient les lampes à arc.
— Qu’avez-vous ? questionna Gessler.
— Je viens de penser que j’ai oublié mon poste de radio dans ma chambre.
— Pourquoi la radio ?
— Pour les informations !
— L’information qui vous intéresse, vous l’aurez avant le bulletin d’informations, ma chère Lisa, dit Gessler en s’efforçant de prendre un ton léger. Mais il y parvenait difficilement.
C’était un homme sans humour, aux manières dures. Sa courtoisie n’était jamais de l’affabilité. Malgré ses élans, il restait raide et froid.
— Si ça ne réussissait pas, murmura la jeune femme, il faudrait bien que nous le sachions autrement que par le silence et l’attente ?
Gessler approuva et, sortant un minuscule trousseau de clés de sa poche, il le tendit à Paulo.
— Il y a un petit transistor dans le vide-poches de ma voiture, fit-il.
Paulo prit les clés.
— Où est votre auto ?
— C’est la Mercédès noire en bordure du Färkanal.
Paulo fit sauter le trousseau de clés à plusieurs reprises dans le creux de sa main, puis il sortit après leur avoir jeté un étrange regard. Son pas fit vibrer l’escalier de fer. Lisa et son compagnon l’écoutèrent décroître en regardant les rigoles de pluie qui se multipliaient sur les vitres, tissant une bizarre toile d’araignée dont le motif se modifiait sans trêve.
Lisa s’approcha de Gessler et le fixa un moment, de ses yeux ardents cernés par l’angoisse.